Serge Klarsfeld à Yad Vashem le 27 janvier 2015 à l'occasion de la Journée internationale à la mémoire des victimes de la Shoah
Lors de l'occupation de la France par les Allemands en juin 1940, la population juive s'élevait à 320 000 personnes dont environ 70 000 mineurs de moins de 18 ans. À la Libération, 240 000 Juifs avaient survécu, dont 59 000 mineurs de moins de 18 ans. La proportion des survivants a été très nettement supérieure à celles de toutes les autres communautés juives importantes en Europe ; en particulier en ce qui concerne les enfants et cela grâce à la compassion et à la solidarité de la population non-juive. Sur les 11 000 enfants qui ont péri, 6 000 ont été arrêtés à Paris et dans sa banlieue, 4 000 en province. 2 000 enfants avaient moins de six ans, 4 500 entre 6 et 12 ans et 4 500 entre 12 et 17 ans.
La grande majorité d'entre eux a été arrêtée par les forces de police de l'État français installé à Vichy. C'est le chef du gouvernement, Pierre Laval, qui a proposé début juillet 1942 aux Allemands de déporter les enfants des Juifs considérés comme apatrides de la zone libre où il n'y avait pas d'Allemands et c'est lui qui, se désintéressant du sort des enfants, en majorité français, des Juifs apatrides de la zone occupée, a laissé les mains libres aux Allemands qui les ont déportés également. Quatre mille d'entre eux, arrêtés avec leurs parents pendant la gigantesque rafle du 16 juillet 1942 à Paris, furent enfermés au Vélodrome d'hiver avant d'être transférés dans les camps de Beaune-la-Rolande et de Pithiviers pour y attendre la décision de Berlin concernant les enfants. C'est là que fut écrite la page la plus noire de l'histoire de France quand la police française a séparé parents et enfants pour déporter en priorité les adultes. Plus de 3 000 enfants en bas âge furent transférés dix jours plus tard dans le camp de Drancy pour y être mêlés aux adultes juifs en provenance de la zone non occupée afin qu'il n'y ait pas, comme le souhaitait Berlin, de trains constitués exclusivement d'enfants.
Fin août 1942, la réaction de la population française et des dirigeants des Eglises catholiques et protestantes fut si hostile aux mesures anti-juives (33 000 Juifs déportés en onze semaines) que Vichy fut obligé de ralentir considérablement sa coopération policière avec la Gestapo (32 000 Juifs déportés en dix-huit mois). Le comportement des braves gens animés par les valeurs chrétiennes et républicaines qu'ils respectaient fut tel, après avoir constaté que l'on déportait femmes, enfants et vieillards, que la solidarité s'établit efficacement pour le sauvetage des enfants entre les organisations ou familles juives et les Français non-juifs.
En Belgique et en Italie, pays comparables, mais avec une population juive bien moins nombreuse, on constate qu'il y avait environ 20 % d'enfants dans la population juive et la même proportion de 20 % dans la population juive déportée. En France, où cette proportion d'enfants était à peu près la même, on constate qu'il y eut environ 15 % d'enfants déportés.
Serge Klarsfeld