Décisions prises lors de la conférence d’Evian sur les réfugiés juifs, juillet 1938
(Le Comité intergouvernemental)
Adopté par le Comité le 14 juillet 1938
"Réunis à Evian, France, du 6 au 13 juillet 1938:
1. Vu que la question d'une émigration involontaire a atteint des proportions considérables, et que le sort qui touche des malheureux constitue un problème pour les délibérations intergouvernementales;
2. Conscients du fait que l'émigration involontaire d’un nombre élevé de personnes, issues de confessions diverses, de niveaux économiques et d’activités professionnelles, arrivant du ou des pays où ils s’étaient installés, déstabilise l'économie générale, dans la mesure où ces personnes sont contraintes de chercher refuge soit temporairement, soit définitivement dans d'autres pays, à une époque où sévit le chômage ; que, par conséquent, les pays de refuge et d'installation sont confrontés à des problèmes, non seulement d’ordre économique et social, mais également d'ordre public, et que les services administratifs et les capacités d'intégration des pays d'accueil sont soumis à de sévères tensions ;
3. Conscients par ailleurs que l'émigration non désirée d'un grand nombre de personnes est devenue si importante qu'elle rend les problèmes religieux et raciaux plus profonds, aggrave la tension internationale et risque de ralentir sérieusement le processus d'accalmie dans les relations internationales;
4. Convaincus qu'il est essentiel qu'un programme à long terme soit envisagé, par lequel une assistance aux émigrations non voulues, présentes et à venir, pourrait être coordonnée dans le cadre des lois et pratiques des gouvernements migratoires.
5. Considérant que si les pays de refuge ou d'installation devraient contribuer à trouver une solution rationnelle au problème devant le Comité, et devraient bénéficier de la collaboration du pays d'origine qui apporterait sa contribution en permettant aux émigrés involontaires de prendre avec eux leurs biens et possessions et d'émigrer de manière ordonnée;
6. Accueillant chaleureusement l'initiative prise par le Président des États-Unis d'Amérique de convoquer une réunion intergouvernementale à Evian dans le but principal est de faciliter l’émigration involontaire de l’Allemagne (et de l'Autriche), et exprimant notre profonde gratitude au gouvernement français pour son accueil courtois lors de la conférence intergouvernementale à Evian;
7. Compte tenu de la résolution adoptée par le Conseil de la Ligue des Nations du 14 mai 1938, concernant l'assistance aux réfugiés;
8. a) Que les personnes relevant de la compétence de l’activité du Comité intergouvernemental sont: 1) des personnes n'ayant pas encore quitté leur pays d'origine (y compris l'Allemagne et l'Autriche), mais qui sont contraintes d’émigrer en raison de leurs opinions politiques, de leurs croyances religieuses ou de leur origine raciale et 2) des personnes telles que définies à l'alinéa 1) ayant déjà quitté leur pays d'origine et ne s'étant pas encore établies ailleurs de façon permanente ;
b) Que les gouvernements membres du Comité intergouvernemental continuent à fournir au Comité des informations strictement confidentielles, comme : 1) des informations concernant des immigrants de façon à ce que chaque gouvernement puisse se préparer à les accueillir en fonction de ses lois et de ses traditions et 2) les détails de ces lois et traditions ;
c) Considérant le fait que les pays de refuge et d'installation sont habilités à prendre en compte les facultés d'adaptation économiques et sociales des immigrants, il sera demandé à ces pays le cas échéant, d'accepter au moins provisoirement, un changement des conditions de vie dans les pays d'installation ;
d) Que les gouvernements des pays de refuge et d'installation ne soient pas astreints au financement de l'émigration involontaire ;
e) Que, au regard des documents requis par les pays de refuge et d'installation, les gouvernements représentés au Comité intergouvernemental considèrent l’adoption de la provision suivante :
Dans les cas d'immigration individuelle où les documents délivrés officiellement et habituellement requis seraient jugés non valides, il faudrait accepter d'autres documents comme étant valables pour l'immigrant, et au cas où le document ayant valeur de passeport aurait été délivré à un émigrant non volontaire par son pays d'origine, il faudrait tenir compte des nombreux accords internationaux concernant la délivrance d'un document de voyage tenant lieu de passeport et des bénéfices d'une large application de ces accords.
f) Qu'un Comité intergouvernemental composé de délégués que les gouvernements présents à la Conférence d'Evian souhaiteront désigner se réunisse à Londres. Ce Comité devra poursuivre et développer le travail de la Conférence internationale d'Evian ; il sera constitué et fonctionnera de la manière suivante : ce Comité aura à sa tête un Président et quatre vice-présidents ; un directeur sera nommé par le Comité intergouvernemental, qui lui donnera son aval. Il devra entreprendre des négociations pour alléger les conditions actuelles de l'exode et les remplacer par des conditions d'émigration méthodiques. Il entreprendra des démarches auprès des gouvernements des pays de refuge et d'installation afin de développer les conditions d'installation permanente. Ce Comité intergouvernemental, reconnaissant la valeur du travail effectué par les services actuels de réfugiés de la Société des Nations et les études sur les migrations effectuées par le Bureau international du Travail, coopérera pleinement avec ces organisations, et le Comité intergouvernemental de Londres considérera les modes de coopération entre le Comité et le Directeur d'une part et ces organisations d'autre part.
Le Comité intergouvernemental, au cours de sa prochaine réunion à Londres, veillera à la façon dont les dépenses seront distribuées entre les Gouvernements participants.
9. Que le Comité intergouvernemental, sous la forme qu'il aura, tienne un premier Congrès à Londres, le 3 août 1938.
Procès-verbal du Comité intergouvernemental, Evian, du 6 au 15 juillet 1938…Rapport des séances plénières du Comité. Résolutions et Rapports, Londres, juillet 1938.