En été 1942, tous les prisonniers du Kosovo furent libérés et transférés en Albanie qui était aussi sous contrôle italien. La famille arriva dans le petit village, Kavaja, où le père de Gavra exerce son métier de photographe.
« Fin 42, on avait quitté Pristina en avril-mai 1942, et c'était l'été 42. Mon anniversaire tombe en septembre et je suis entré en CP. J'ai vraiment commencé ma classe de CP avec d'autres Albanais et à l'école j'étais inscrit comme musulman, même si Kavaja se trouvait en confine libero. C'est-à-dire, à l'école on savait ou alors on me connaissait, c'est comme ça que j'étais inscrit comme "Ibrahim Mela", c'était mon nom musulman à Kavaja, en classe de CP. […] Je suis allé à la mosquée, j'ai appris les prières musulmanes et jusqu'à aujourd'hui je m'en souviens et je les récitais facilement et ça me plaisait. […] , nous avons également commencé avec des cours d'instruction religieuse. En Albanie, il y a des musulmans et des chrétiens. Je ne sais pas comment c'est divisé, mais les musulmans et les chrétiens vivent côte à côte. Quand les cours de religion commençaient, l'institutrice arrivait et disait : que tous les musulmans se lèvent et se mettent dans cette rangée, l'un derrière l'autre. Tous les musulmans se lèvent et se mettent en rang. Que tous les chrétiens se lèvent et se mettent dans cette rangée. Et moi, je suis encore assis, Ibrahim, tu rêves ? Aïe, pardon. Va vite dans ta rangée. Et moi, je cours vers la rangée des chrétiens. Je me souvenais que nous avions quitté Belgrade, munis de faux papiers, Manditch, et d'un seul coup je me suis souvenu : non, ici je vais à la mosquée […] Et toi Ibrahim, tu es dans la lune ? Non, non, non, je suis musulman. […]
Ne pas commettre d'erreur, ne pas se tromper, ne pas tomber dans le piège. Je voyais ça comme une sorte de jeu, ne pas se tromper, ne pas faire d'erreur, car je savais que la moindre erreur, pouvait dieu préserve, coûter la vie à mes parents. »
