Les photographies analysées et étudiées par les étudiants ont été classées par contenu chronologique ou thématique. Néanmoins, il existe certains aspects communs et caractéristiques universelles qui méritent d’être abordés avec les étudiants pour mieux comprendre la photographie en général et la photographie de la Shoah en particulier.
Le but de cette session audio est de discuter des rôles joués par les photographes amateurs et officiels, et la façon dont ils se reflètent dans différents jeux de photos de notre ressource pédagogique. Nous verrons également comment les photos peuvent créer du sens ou remettre en question les récits dominants dans la société – des faits qui peuvent être vus et comparés à partir des différentes photographies de cette collection.
Si les photographies officielles et amateur peuvent sembler très différentes, dans leur conception, leur réalisation et leur résultat, on peut constater que ces frontières, surtout à l'ère numérique actuelle, restent assez floues. La photographie officielle peut fonctionner comme un agent de création d’icônes visuelles d’événements historiques et les photographes officiels faire office d’agents de la mémoire culturelle, dans la mesure où ces photographies sont largement diffusées et reconnues. De telles images, produites et exposées dans un contexte officiel, sont diffusées à un large public, parfois à échelle nationale ou internationale, et font partie intégrante de la façon dont la mémoire publique se façonne autour d’un événement historique spécifique. Ainsi, la photographie officielle joue un rôle décisif dans la manière dont nous, individus, nous souvenons et gardons à l’esprit la mémoire visuelle d’événements dont nous n’avons jamais été témoins.
La photographie amateur, en revanche - y compris, mais sans s'y limiter, la photographie d'événements personnels, familiaux ou communautaires - vise à sauvegarder des pans d’une histoire individuelle/familiale/communautaire et reflète la vision personnelle des événements. Mais en même temps, elle reflète aussi le collectif, dans la mesure où les actions d'une personne sont conditionnées par le système social dans lequel elle vit et agit. En ce sens, la photographie amateur reflète à la fois le point de vue personnel d’événements spécifiques, tout en étant encadrée par le courant de pensée dominant, qu’elle continue ainsi à alimenter. Cela devient encore plus évident aujourd’hui, à une époque où l’album de famille a été remplacé par le fil des réseaux sociaux.
à [Questions à l'expert]
Nombre d’individus à travers le monde partagent la même mémoire visuelle de certains événements historiques, et ce, grâce à la photographie. Ce sont pourtant des personnes menant des vies complètement différentes, résidant aux quatre coins du monde et ayant des visions du monde diamétralement opposées, mais elles ont en commun des images identiques de l’histoire.
Au niveau étatique, lorsqu'il s'agit de discerner les mécanismes qui sous-tendent la création d'un récit national, la photographie se révèle être un outil très puissant dans la création d'un ensemble de représentations et de mémoires collectives qui, à leur tour, façonnent en fin de compte la structure sociale d'un certain groupe.
La photographie est aussi un outil clé dans la construction de méta-récits - des récits qui vont au-delà d’une seule histoire ou d’un seul événement pour englober des thèmes ou des idées plus larges. En capturant des images d’individus, de lieux et d'événements, les photographes créent une histoire visuelle qui décrit non seulement un moment particulier, mais reflète également des thèmes culturels ou sociaux plus larges.
La photographie capture des images qui transmettent une idée du temps et du lieu, et s’inscrit ainsi dans la construction de méta-récits. En ouvrant une fenêtre sur un moment historique ou un contexte culturel particulier, elle donne aux spectateurs un aperçu des forces sociales, politiques et économiques qui ont façonné ce moment. Par exemple, les photographies du mouvement américain des droits civiques des années 1960, documentent non seulement des événements spécifiques, mais donnent également un aperçu de la lutte plus vaste pour la justice raciale aux États-Unis.
à [Questions à l’expert]
La photographie peut également être utilisée pour créer des métaphores visuelles qui aident à transmettre des concepts ou des idées abstraites. En cadrant un sujet particulier d'une certaine manière ou en utilisant la composition et l'éclairage pour créer une certaine ambiance, les photographes fabriquent des images qui transmettent une émotion ou un thème particulier. Par exemple, la photographie d’un paysage aride pourrait servir à symboliser l’impact destructeur du changement climatique.
Enfin, la photographie peut être utilisée pour remettre en question les récits dominants et offrir des perspectives alternatives. En capturant des images qui bousculent les stéréotypes ou mettent en lumière des perspectives marginalisées, les photographes peuvent contribuer à élargir notre compréhension du monde qui nous entoure. Par exemple, une photographie d’une ouvrière du bâtiment pourrait remettre en question les stéréotypes de genre sur les types de travail que les femmes peuvent ou devraient effectuer.
En résumé, la photographie peut être un outil puissant pour construire des méta-récits en capturant des images qui transmettent une idée du temps et du lieu, en créant des métaphores visuelles et en remettant en question les récits dominants. En utilisant la photographie de cette manière, les photographes peuvent nous aider à mieux comprendre le monde complexe et multiforme dans lequel nous vivons.
