Avant d’engager leurs étudiants dans des activités de commémoration, les enseignants eux-mêmes devraient être encouragés à s’informer davantage encore sur ce sujet des plus difficiles, et à consulter leurs collègues qui ont déjà participé à des séminaires de formation sur les aspects de l’enseignement et de la commémoration de l’Holocauste. Les enseignants devraient participer à tous les cours de développement professionnel sur le sujet, dès que l’opportunité leur en est donnée. Quoi qu’il en soit, les enseignants doivent être bien préparés pour organiser les journées de commémoration de l’Holocauste. En règle générale, les enseignants connaissent bien leurs élèves et sont donc mieux à même d’aborder ces journées commémoratives, en fonction de leur évaluation des besoins et des aptitudes de leurs élèves.
Bon nombre d’enseignants sont parvenus à impliquer les autorités locales, les organisations non-gouvernementales, les médias et les institutions communautaires dans l’organisation d’événements didactiques avec les étudiants, pour commémorer l’Holocauste.
Les activités liées à la Journée de commémoration de l’Holocauste peuvent inclure la lecture de listes de noms de victimes, de poèmes, la projection de films, la visite d’expositions ; le compte-rendu d’impressions des étudiants lors d’une excursion dans un des sites authentiques de l’Holocauste ou lors de la visite d’un des musées consacrés à l’Holocauste ; jouer une pièce de théâtre ou chanter des chants qu’ils auront composés eux-mêmes sur le sujet. Par exemple, à Sfintul Gheorghe en Roumanie, des étudiants ont travaillé sur un projet d’œuvre dramatique qui consistait à écrire et à jouer une pièce basée sur le livre très connu d’Elie Wiesel : Night. Des projets similaires pourraient être réalisés avec le journal d’Anne Frank.
Les enseignants peuvent aussi prévoir un moment de silence dans le cadre de leurs cérémonies et/ou activités de commémoration. Bien qu’une brève période de silence soit l’occasion pour les élèves de connecter leurs sentiments profonds et leurs pensées sur ce qui s’est passé pendant l’Holocauste, il ne faut pas qu’elle remplace un processus d’apprentissage réel ou une activité commémorative.1
*
En Norvège, la direction principale de l’enseignement primaire et secondaire encourage toutes les écoles à célébrer la Journée de commémoration de l’Holocauste et fournit les ressources pédagogiques nécessaires sur son site Internet. La plupart des écoles organisent la lecture de poésies et des expositions, alors que d’autres organisent des marches locales au flambeau et invitent les survivants et les témoins de l’Holocauste à raconter ce qu’ils ont vécu.2
*
Témoins, témoignages et histoire visuelle
A l’occasion de cette journée, les enseignants pourraient organiser des rencontres entre les étudiants et des témoins vivants (surtout des survivants de l’Holocauste mais aussi des libérateurs et des sauveteurs), qui peuvent narrer tout ce qu’ils ont vécu pendant la Seconde Guerre mondiale. Les témoignages vivants sont très prenants et peuvent susciter une expérience intense chez les étudiants. En outre, des témoignages visuels déjà enregistrés peuvent aussi devenir des outils d’apprentissage efficaces. Les enseignants pourraient aussi se concentrer sur ce que les étudiants ont appris en entendant les histoires racontées par les témoins et sur ce qu’ils retirent des témoignages de survivants.
La visite des sites authentiques, des mémoriaux et des musées
La visite des sites authentiques, des mémoriaux et des musées Les voyages d’étude aux sites authentiques de l’Holocauste, tels les anciens centres d’extermination et les camps de concentration sont particulièrement efficaces pour faire comprendre aux étudiants ce qui s’est réellement passé. De plus, la visite des écoles dans les musées, les mémoriaux et les centres didactiques consacrés à l’Holocauste est une occasion particulière pour l’étudiant d’acquérir des connaissances sur le sujet et d’en prendre conscience. Toutes les excursions aux sites authentiques de l’Holocauste et/ou aux musées qui y sont consacrés doivent être bien préparés par les enseignants ; il est fortement conseillé aussi d’organiser des activités de suivi et d’engager des débats avec les étudiants.5 Les visites ne doivent pas nécessairement se faire le jour des cérémonies de commémoration de l’Holocauste mais cette expérience peut aider les étudiants à comprendre l’importance de cette commémoration et peut être liée à des activités ultérieures organisées le jour de la commémoration.
Des contacts avec les communautés juives
Il existe de nombreux lieux où les communautés juives ont totalement disparu à cause de l’Holocauste et l’antisémitisme de l’après-guerre. Toutefois, un certain nombre de communautés juives d’Europe qui avaient été florissantes au cours des siècles passés, ont commencé à se reconstituer. Les enseignants et leurs élèves sont encouragés à contacter les membres de leurs communautés juives locales pour obtenir des renseignements sur les divers aspects de la vie et de la culture juive actuelles et sur la vie des communautés juives avant l’Holocauste.
L’introspection des étudiants
Donner des dissertations à faire sur le sujet d’une activité organisée motivera la créativité et l’expression libre des élèves tout en stimulant leur curiosité intellectuelle. Les concours de rédaction ont souvent été organisés pour motiver les étudiants et les enseignants à se concentrer sur un thème lié à l’Holocauste. Mais n’oubliez pas que certains étudiants auront peut-être envie de garder pour eux les sentiments qu’ils éprouvent par rapport à ce sujet émotionnel et difficile.
La commémoration et la technologie moderne
La technologie moderne peut s’avérer un outil très efficace pour stimuler la commémoration de l’Holocauste. Par exemple, l’organisation d’échanges par le biais d’un forum sur Internet entre les étudiants qui ont lu le même livre ou le même texte en différentes langues ou organiser des visioconférences entre les jeunes à un niveau national ou international, peut effectivement encourager un dialogue sur le sens de ces journées de commémoration de l’Holocauste. En outre, ces réunions visuelles sont susceptibles de renforcer le sentiment d’appartenance des étudiants à une communauté internationale.
*
En 2005, des étudiants allemands du Goethe-Gymnasium à Frankfort, qui venaient de visiter le camp de concentration de Buchenwald, ont organisé une visioconférence avec un survivant juif de l’Holocauste, le chercheur Dr. Jehoshua Buechler. Après avoir narré son histoire, les étudiants ont pu lui poser des questions sur son internement à Buchenwald. Des membres du personnel de l’Ecole internationale pour les études sur l’Holocauste au Yad Vashem ont participé à cet échange et joué le rôle de modérateurs de cette session. Pour la plupart des étudiants, c’était la première fois qu’ils parlaient ouvertement avec un survivant juif de l’Holocauste, résidant en Israël.
*
L’histoire locale
Des projets axés sur l’histoire locale, comme par exemple des circuits de commémoration dans leurs villes, peuvent encourager les étudiants à établir des liens avec l’histoire des lieux où ils vivent. En réalisant des enquêtes sur l’histoire locale, les étudiants peuvent découvrir l’importance de la culture juive dans de nombreuses cités européennes avant le déclenchement de l’Holocauste ainsi que la manière dont les restrictions ont été progressivement imposées aux habitants juifs, avant qu’ils ne soient déportés vers les camps d’extermination ou assassinés.
- 5. Pour des directives relatives à la visite de sites authentiques et non-authentiques de l’Holocauste, consultez http://www.Holocauste.taskforce.org
*
En 2004, avant le 23 septembre (Journée de commémoration de l’Holocauste en Lituanie), la Commission internationale pour l’évaluation des crimes perpétrés par les régimes d’occupations nazis et soviétiques en Lituanie, a organisé un projet didactique intitulé, « L’histoire vivante des Juifs de Lituanie. » Les étudiants et leurs professeurs ont récolté tout un matériel historique sur la vie quotidienne, la religion et la culture des Juifs qui habitaient dans leurs propres villes avant l’Holocauste. Ils ont également participé à des circuits guidés, organisé des réunions avec les survivants et les représentants des communautés juives locales. Le point d’orgue de ce travail a été la présentation, le 23 septembre 2004, dans leurs écoles respectives de « La vie des Juifs dans ma ville avant l’Holocauste ». Une école à Varsovie a entrepris
un vaste projet de commémoration de l’Holocauste qui s’est étalé sur toute l’année scolaire jusqu’à son aboutissement le 19 avril, Journée de commémoration de l’Holocauste, marquant le début du soulèvement du Ghetto de Varsovie. Dans le but de préparer une exposition sur le Ghetto de Varsovie, les étudiants ont sélectionné et créé des matériaux liés à certains sites de commémoration situés non loin de leur école, comme par exemple les monuments du Ghetto de Varsovie et l’Umschlagplatz (l’endroit d’où les Juifs étaient déportés vers les camps d’extermination). Ils ont également préparé une vitrine sur toutes les synagogues qui existaient autrefois à Varsovie.
*
Le jour de commémoration de l’Holocauste en Pologne, le 19 avril, des enfants polonais de Lublin et d’autres villes voisines ont écrit 500 lettres à Henio Żytomirski, un petit garçon de dix ans qui fut assassiné à Majdanek en 1942, dans le cadre d’un projet lancé par le théâtre Grodzka Gate NN. Les étudiants ont posté leurs lettres dans une boîte spécialement conçue à cet effet. Toutes les lettres ont été retournées à leurs destinataires portant la mention “adresse inexistante, destinataire inconnu” afin de déclencher une discussion, à la maison, sur ce qui s’est passé avec la population juive d’Europe pendant l’Holocauste.
Le projet comprenait aussi des circuits à travers les lieux de Lublin liés à l’enfance de Henio ; la publication d’une brochure artisticodidactique portant le titre « Henio » qui a été distribué dans les écoles ; et la création d’un site Internet dédié à Henio avec ses photos de famille et sa biographie. Des ateliers pour former les enseignants à une méthodologie pédagogique en la matière ont aussi été organisés parallèlement à cette initiative.
Devoirs de recherche
Les professeurs et leurs étudiants peuvent s’engager dans différents projets de recherche sur la commémoration de l’Holocauste.
*
Une groupe d’étudiants et de professeurs hongrois ont travaillé ensemble sur un projet bilingue (en anglais et en hongrois) intitulé « Histoire personnelle » en automne 2004. La première partie de la série « Journal d’Auschwitz » était basée sur les souvenirs notés par un jeune homme de dix-sept ans en 1945, juste après la guerre. L’équipe d’étudiants a informatisé ce journal et l’a édité. Ils ont aussi recherché des photographies et traduit le manuscrit en anglais. Ils ont publié un CD-ROM bilingue ainsi qu’un guide pour les enseignants. Le projet « 60 Jours pour 60 Années » réalisé par une communauté juive au Royaume-Uni s’adressait aux membres de communautés locales et aux étudiants de toutes origines et de tous milieux. Cette initiative a été lancée le 25 janvier 2005 et s’est étalée sur 60 jours. Les participants ont entrepris des recherches sur la vie quotidienne de personnes mortes pendant l’Holocauste, sur la base des informations recueillies parmi les « Pages of Testimony » (pages de témoignage) du Yad Vashem. Chaque personne, groupe ou famille qui a participé au projet a reçu une carte avec le nom d’une personne qui a péri au cours de l’Holocauste. Chaque communauté ou école était reliée à une communauté qui avait souffert pendant l’Holocauste.6
*
Des projets de recherche engagés dans le cadre de la Journée de commémoration de l’Holocauste peuvent aussi aborder les questions suivantes : Comment célèbre-t-on la journée de commémoration de l’Holocauste au niveau national et dans d’autres pays ? Comment se déroulent ces journées, de la même façon ou différemment ? Et pourquoi choisir précisément ces journées là ? Que signifie en fait le 27 janvier ? Quelles sont les autres dates que l’on aurait pu choisir ? Proposez que les étudiants fassent des recherches sur les sites Internet, notamment sur ceux cités en fin de document, pour trouver toutes ces informations.
*
En Bulgarie, le 10 mars a été déclaré « Journée de l’Holocauste et de la Sauvegarde des Juifs bulgares » (connu aussi sous le nom de Journée des victimes de l’Holocauste). Cette Journée de commémoration nationale est célébrée dans les écoles bulgares par un cours particulier intitulé « le 10 mars: Leçon de Dignité. » Les activités de commémoration comprennent des rencontres avec des survivants, des visites aux monuments et autres sites, des concours d’art et de dissertation sur le sujet, et des projets de recherche basée sur des documents originaux.
*
- 6. Pour en savoir plus, consultez http://www.60for60.com.
La restauration des cimetières
Dans le cadre des journées de commémoration de l’Holocauste, les enseignants pourraient envisager d’organiser des projets de recherche qui aboutiraient à la restauration ou au nettoyage des cimetières juifs, par toute la classe.
*
L’école de la communauté juive de Lauder Javne à Budapest, Hongrie, met en œuvre un programme de nettoyage, par les élèves, d’un cimetière juif abandonné. Les étudiants enlèvent toute la végétation qui a recouvert les tombes et réparent les pierres endommagées. Ils interprètent aussi les épitaphes et tentent de reconstituer l’histoire de cette communauté juive aujourd’hui disparue. A la fin de cette activité, les participants honorent la mémoire de tous ceux qui ont péri pendant l’Holocauste, qui a supprimé ainsi tous les membres d’une communauté juive autrefois florissante. Certaines écoles locales et les municipalités participent à ce projet.
*
Adopter les monuments locaux
Entretenir un monument peut-être un bon moyen pour les étudiants de faire preuve de responsabilité sociale au sein de leurs communautés respectives. En adoptant un monument local, les étudiants seront encouragés à prendre certains aspects en compte, notamment:
- A quel événement particulier ce monument est-il dédié? Les personnes directement liées à cet événement sont-elles encore en vie? Les étudiants pourraient alors les rencontrer et dans le cas contraire, rechercher leurs témoignages si ceux-ci sont disponibles (que ce soit par écrit ou sous forme de vidéo).
- Quand le monument a-t-il été inauguré et que peut-on en conclure sur la manière dont la communauté locale a commémoré l’Holocauste ? Les étudiants peuvent être encouragés à parler aux personnes impliquées dans l’histoire de ce monument.
- Les étudiants peuvent étudier les aspects artistiques ou architecturaux de ce monument. Qui l’a conçu? Qu’est-ce- qu’il exprime? Quel est le lien entre ce monument et les autres? Quel est le langage iconique utilisé pour ce monument et reflète-t-il l’époque à laquelle il a été érigé?
- On peut aussi proposer aux étudiants de concevoir leur propre monument pour célébrer un événement local lié à l’Holocauste.
*
Aux Pays-Bas, les écoles ont été encouragées à « adopter » un monument local dédié à l’Holocauste. Les écoles peuvent convenir avec leurs administrations communales locales que les élèves d’une classe vont consacrer du temps et des efforts à l’entretien du monument avant la commémoration annuelle. Ces élèves peuvent jouer un rôle important dans la préparation de la commémoration et au cours de la cérémonie en assumant la responsabilité pour un monument donné. Cette initiative renforce l’engagement pris par la direction de l’école d’enseigner l’Holocauste aux élèves, de les amener à réfléchir sur le sens de cette commémoration et d’établir ainsi un lien avec la communauté. Le site Internet néerlandais www.oorlogsmonumenten.nl/datakid est consacré aux monuments liés à la seconde guerre mondiale. Le site reprend plus de 700 monuments adoptés par les écoles néerlandaises.
*
Les projets d’action sociale
Des suggestions d’actions sociales peuvent inclure : des affiches posées aux arrêts des transports en commun, axées sur les thèmes de la commémoration ; le repérage des lieux où les déportations ont été perpétrées ou où les Juifs vivaient autrefois ; demander aux autorités locales d’apporter leur soutien à l’école pour la création d’un mémorial. La mise en œuvre de campagnes de commémoration au sein d’organisations étudiantes, de mouvements de jeunesse, de congrégations religieuses ou la création d’un jardin du souvenir ; autant d’options que les enseignants peuvent exploiter.
Transmettre le flambeau de la mémoire
Dans les années à venir, il restera de moins en moins de témoins vivants capables de transmettre leurs histoires et leurs mémoires personnelles sur ce qui s’est passé lors de l’Holocauste. A mesure que les derniers survivants de l’Holocauste lèguent leurs témoignages, les enseignants et leurs élèves peuvent construire les ponts de la mémoire vers les générations futures afin d’assurer que les leçons de l’Holocauste ne soient jamais oubliées. On espère que ces directives sur la préparation des journées de commémoration de l’Holocauste aideront les enseignants à accomplir cette mission cruciale.