Âge : 11 ans et plus
Durée de l'activité : 1,5 - 2 heures
La ressource éducative 'Entrée refusée, dignité restaurée : Récits de voyage du St. Louis' dépeint une variété d'événements clés de l'époque de l'Holocauste*. Elle regroupe également une multitude de points de vue différents : Outre les protagonistes juifs, le capitaine du bateau est confronté à des dilemmes et à des situations presque insolubles. Construit sur la base de l'apprentissage collaboratif, ce module incorpore le travail en groupe, l'apprentissage par les pairs et la discussion en classe. Grâce à diverses activités en classe, les élèves découvrent et reconstituent l'histoire personnelle d'une survivante de l'Holocauste, Ana Maria Gordon. Au cours de leur travail sur des sources primaires (témoignages, archives, photos), les élèves jouent le rôle d'historiens, ce qui encourage leur curiosité intellectuelle et le développement de leur pensée critique, pour conduire, au final, à une compréhension approfondie des événements historiques.
Afin de s'assurer que les jeunes élèves apprennent l'Holocauste sans être exposés à des images et des informations émotionnellement préjudiciables, Yad Vashem a établi un ensemble de principes éducatifs.
Télécharger le matériel de l'unité :
*Ce matériel pédagogique est destiné à un public francophone canadien et a été élaboré avec le soutien du ministère de l'Éducation de la province de l'Ontario, au Canada. Bien que Yad Vashem privilégie le terme Shoah pour décrire le génocide des Juifs entre 1933 et 1945, nous utiliserons pour cette ressource éducative le terme Holocauste.
Guide pour l'enseignant
Préface
Cette ressource éducative a été développée pour enseigner l’Holocauste aux élèves de 6e année. Conçu selon l'approche éducative de Yad Vashem, le matériel est adapté au développement émotionnel et cognitif des jeunes apprenants.
Pour s'assurer que les élèves de l’élémentaire apprennent l’Holocauste sans être exposés à des images et du contenu inadaptés ou traumatisants, un ensemble de principes a été établi par Yad Vashem. Pour connaître l'approche et les principes pédagogiques de Yad Vashem pour l’enseignement de l’Holocauste.
Motifs de la démarche de l'unité d'enseignement
Raconter des histoires, reconstruire l'histoire
L'unité d'enseignement, Entrée refusée, dignité restaurée : Récits de voyage du St. Louis, a été conçue pour les élèves de 6e année et plus, de tout établissement scolaire. Le matériel éducatif comprend des fiches avec des extraits de témoignages, photos et documents. Trois sujets principaux sont présentés : la biographie d'Ana Maria Gordon ; le navire et son capitaine, Gustav Schröder ; la reconnaissance de Schröder comme Juste parmi les Nations par Yad Vashem après la guerre.
Selon les experts de Yad Vashem, la génération actuelle des élèves sera capable de se connecter avec empathie aux histoires de vie, survenues il y a plus de 80 ans dans une « Vieille » Europe, si ces histoires comportent plusieurs des caractéristiques suivantes :
- Les protagonistes ont des personnalités complexes (c'est-à-dire qu'ils ont plusieurs niveaux d'identité).
- Les biographies des protagonistes présentent des mouvements transnationaux (à l'exception des protagonistes qui n'ont connu que de déplacements imposés par des persécuteurs).
- Le protagoniste survivant est un enfant au moment des faits.
- Le protagoniste survivant continue d'avoir une personnalité distinctive dans sa vie d’après-guerre.
Le matériel de cette unité ne présente pas les biographies et les histoires dans leur cohérence et leur dénouement rétrospectifs. La biographie sélectionnée est abordée à travers des fragments de souvenirs, documents et photographies. C'est la tâche des élèves que d'assembler ces composants historiques. Ce type de recherche autodirigée encourage les jeunes à explorer le passé par eux-mêmes. Les souvenirs personnels s’inscrivent dans une histoire plus vaste, avec des références, des implications et des situations que les élèves peuvent analyser et mettre en relation de manière indépendante. Le fait de resituer les fragments biographiques dans leur contexte historique constitue un rôle central dans la méthodologie de cette unité. Les élèves, amenés à raconter une partie de l’histoire, renforcent ainsi leurs capacités narratives. En parallèle, cette méthode attire également l'attention sur la façon dont l'histoire est construite, et met l’accent sur le processus de création des élèves, tout en les aidant à comprendre le sens du récit oral : Ana Maria Gordon note à plusieurs reprises que les lacunes de sa mémoire ne lui permettent pas de reconstruire l'histoire de sa propre vie comme une continuité narrative. Voici son témoignage recueilli par Yad Vashem, en Israël, le 2 février 2020 :
Ana Maria Gordon :
La vérité est que je ne me souviens pas beaucoup du voyage sur le St. Louis. Je sais que je me suis bien amusée sur le bateau, mais je ne me souviens de rien de plus.
Yad Vashem :
Savez-vous combien de temps le voyage a duré ? Que s'est-il passé lorsque le St. Louis est arrivé à Cuba ?
Ana Maria Gordon :
Je ne sais pas, je pense qu’en tout, le voyage a duré plus de 3 semaines. Non, je ne suis pas sûre.
Ce matériel repose sur un certain nombre de lignes directrices pédagogiques, fruit du travail de l'École internationale pour l’enseignement de l’Holocauste à Yad Vashem. Les biographies ne se limitent pas à la période comprise entre 1933 et 1945, années de terreur exercée par les nazis d’abord en Allemagne, puis dans presque toute l'Europe et en Afrique du Nord. Elles incluent également la vie juive avant la Seconde Guerre mondiale et le quotidien des survivants au lendemain de l’Holocauste, après avoir connu la fuite, l'humiliation et la violence. Une façon de révéler les multiples connexions des tranches de vie à leurs environnements respectifs, les développements ainsi que les ruptures et les chemins de vie interrompus. Les personnes persécutées sont perçues comme des individus autonomes, qui ne sont pas nés pour être des victimes, mais qui le sont devenus parce que d’autres en avaient décidé ainsi, et qui, en dehors de leur lutte pour survivre, se caractérisent par leurs visions personnelles de la vie. Les prises de décisions et les dilemmes, ces moments dans la vie d'une personne qui - intentionnellement ou non – constituent un tournant décisif, sont d'une importance pédagogique particulière. En analysant les décisions prises par les protagonistes pendant la guerre, les élèves devront considérer les différents facteurs qui influencent le processus de prise de décision, tels que la personnalité, l'accès à l'information, les expériences de vie antérieures et la possibilité d’avoir, ou pas, le pouvoir d'agir. En outre, les répercussions des résolutions des dilemmes et des prises de décision sur la personnalité des protagonistes sont d'un intérêt particulier.
L'unité d'enseignement, Entrée refusée, dignité restaurée : Histoires de voyage du St. Louis, dépeint une variété d'événements centraux de l'époque de l’Holocauste et de la Seconde Guerre mondiale. Elle regroupe également une multitude de perspectives différentes : en plus des protagonistes juifs, se trouve un capitaine non juif, confronté à des dilemmes et des situations presque insolubles.
Matériel éducatif
Construite sur la base de l’apprentissage collaboratif, cette unité mêle travail en groupe, en binôme et discussion de classe. À travers diverses activités, les élèves découvrent et reconstruisent l'histoire personnelle d'une rescapée de l’Holocauste, Ana Maria Gordon. Au cours de leur travail sur des sources primaires (témoignages, archives, photos), les élèves jouent le rôle d'historiens, ce qui encourage leur curiosité intellectuelle et le développement de leur pensée critique, pour conduire, au final, à une compréhension approfondie des événements historiques.
Par ailleurs, les élèves sont confrontés à la complexité de l’Holocauste en étudiant une variété d'aspects et de perspectives historiques. En travaillant sur l’histoire d’une survivante, les élèves se concentrent avant tout sur l'expérience de la victime juive pendant la guerre. Mais ils apprennent également à découvrir d'autres protagonistes non juifs qui, de par leurs actes, ont influencé le déroulement des événements. La biographie d'Ana Maria Gordon reflète différentes phases et plusieurs aspects de l’Holocauste. La chronologie a pour fonction de fournir le contexte historique dans lequel se déroulent les histoires individuelles. Autre élément central dans l'histoire de la survivante : l'espace transnational dans lequel les faits se déroulent. Les pays suivants jouent un rôle dans l'histoire d'Ana Maria Gordon : la Tchécoslovaquie, l'Allemagne, Cuba, la Belgique, les Pays-Bas, le Danemark, la Suède, le Mexique, les États-Unis et le Canada.
Matériel pour les élèves :
- 79 fiches de travail (ressources, cartes géographique et fiches d'instructions).
- Frise chronologique
Matériel pour l'enseignant :
- Carte interactive en ligne qui comporte des informations historiques et biographiques supplémentaires.
Plan de cours
Préparatifs :
- Téléchargez, imprimez et accrochez la chronologie au mur, en laissant suffisamment d'espace entre les fiches. (Les élèves seront invités à ajouter leurs fiches de travail à la chronologie et à créer leur propre exposition.)
- Imprimez les fiches de travail et les fiches d'instructions. Chaque groupe reçoit une fiche d'instructions et une carte géographique.
- La carte interactive doit être préparée à l'avance pour être utilisée sur le tableau.
Description de la méthodologie
Le processus d'apprentissage se déroule en trois étapes :
- Introduction
- Travail de groupe et présentations
- Activité de fin
1. Introduction
Pour commencer l'unité, l'enseignant doit montrer aux élèves une photographie du St. Louis. Sans fournir de contexte, l'enseignant invite les élèves à poser des questions sur la photographie et/ou les engage dans une activité d'association de mots. L’objectif consiste à générer une discussion sur la notion de voyage dans le contexte de la réalité des élèves d'aujourd'hui (voyage comme activité de loisir, voyage par différents moyens de transport, voyage pour différentes raisons, voyage volontaire contre relocalisation forcée, etc.). Cette discussion sera ensuite revisitée à la fin de la leçon.
2. Travail de groupe et présentations
La classe est divisée en sept groupes de travail. Chaque groupe reçoit son ensemble de ressources et l'une des fiches d'instructions. À partir de maintenant, les membres de chaque groupe sont considérés comme des experts pour leurs sections respectives :
Groupe 1 : Ana Maria Gordon : La vie juive avant-guerre
Groupe 2 : Ana Maria Gordon : La fuite
Groupe 3 : Ana Maria Gordon : Persécutions sous le régime nazi
Groupe 4 : Ana Maria Gordon : Libération et retour à la vie
Groupe 5 : Ana Maria Gordon : De l'Europe au Canada
Groupe 6 : Gustav Schröder : Le St. Louis
Groupe 7 : Gustav Schröder : Reconnaissance et mémoire
2.1 Groupes de travail
Chaque groupe se concentre sur ses fiches de travail, essayant de les mettre dans un ordre chronologique ou autrement logique et de les relier entre elles. Ce faisant, les élèves ont en tête les objectifs suivants :
- Identifier les individus et ce que l’on apprend d’eux
- Décrire les actions et décisions de ces individus
Décrire les événements historiques et la façon dont ils ont influencé la vie des protagonistes
En enquêtant, chaque groupe commence à assembler les éléments qu'il passe en revue sous forme d’une exposition murale, apposée à la chronologie principale fixée au mur. Si nécessaire, la chronologie et les fiches de travail peuvent être complétées par des informations supplémentaires (dont l’authenticité aura été vérifiée) que les élèves ont recherchées eux-mêmes.
Alternativement, l'enseignant peut inviter chaque groupe à produire une affiche en utilisant la chronologie, les fiches ou toute note, dessin ou réflexion supplémentaire qu'ils pourraient avoir concernant leur partie de l'histoire. Une fois ce processus terminé, les fiches seront affichées et présentées chronologiquement.
La carte géographique, ainsi que les sources d'information supplémentaires (internet) doivent être constamment disponibles comme outils d'information.
Cette partie du processus repose sur les avantages de l'apprentissage socio-émotionnel. Les élèves découvrent qu'ils doivent négocier leur compréhension personnelle de l'histoire avec leurs pairs, pour parvenir à une conclusion commune.
Pendant le travail de groupe, le rôle de l'enseignant consiste principalement à soutenir les élèves tout au long du processus d'apprentissage et à corriger les éventuelles incompréhensions.
2.2 Présentation
Après avoir passé en revue toutes ses ressources, chaque groupe est invité à soumettre à la classe la version finale de son travail et à le présenter sous la forme d’une courte visite guidée. L'exposition elle-même sert de mémoire et de fil conducteur pour que les conteurs racontent librement l'histoire du protagoniste.
En écoutant les élèves raconter l'histoire d'Ana Maria Gordon et de Gustav Schröder, assurez-vous de couvrir et d'expliquer les points suivants :
1. Ana Maria Gordon : La vie juive avant-guerre |
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2. Ana Maria Gordon : La fuite |
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3. Ana Maria Gordon : Persécutions sous le régime nazi |
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4. Ana Maria Gordon : Libération et retour à la vie |
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5. Ana Maria Gordon : De l’Europe au Canada |
Le statut de réfugié puis celui d’immigrant |
6. Gustav Schröder : Le St. Louis |
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7. Gustav Schröder : Reconnaissance et mémoire |
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Au terme de toutes les présentations, l'enseignant doit s'assurer que les élèves sont capables de suivre le fil de la chronologie, de résumer les aspects importants et de visualiser l'histoire à l'aide de la carte interactive.
3. Activité de fin
Pour clôturer la leçon, l'enseignant présente à nouveau la photographie du St. Louis utilisée lors de l'introduction, qui doit désormais initier une discussion finale sur la fuite, par opposition au voyage. L'enseignant soulignera les différences entre les premières associations des élèves et les idées plus profondes sur les notions de fuite (évasion) et de persécutions acquises au cours de la leçon. De plus, cette discussion constitue l’opportunité de mettre en lumière les différents types et conditions de migration (fuite d'un environnement menaçant, recherche d'un nouveau départ, opportunité financière, etc.).
Contexte historique
Le St. Louis1 était un navire sur lequel plus de 900 Juifs ont tenté d'émigrer d'Allemagne nazie vers Cuba, en mai 1939. Les passagers étaient munis de papiers d'immigration valides pour Cuba, considérée par la plupart des émigrants comme une escale intermédiaire avant les États-Unis. Mais un retournement de situation inattendu s'est produit pendant la traversée : en raison de tensions politiques internes entre différentes autorités cubaines, le gouvernement cubain a déclaré les papiers d'immigration des réfugiés juifs invalides et a refusé de les laisser débarquer. Les États-Unis, intervenus dans les négociations en cours, ont également déclaré qu'ils n'étaient pas disposés à accorder l'asile aux réfugiés. Un groupe d’éminents Canadiens, dirigé par l'historien et professeur George Wrong, a télégraphié une pétition à leur Premier ministre, William Lyon MacKenzie King - mais le gouvernement canadien a choisi lui aussi de ne pas accueillir les passagers2. Une décision prise sur la base des sévères restrictions à l'immigration datant de la Grande Dépression, et enracinée dans le climat persistant d'exclusion antisémite. Le St. Louis a dû quitter la côte américaine pour repartir en Allemagne. Grâce aux efforts persistants du capitaine, Gustav Schröder, reconnu plus tard « Juste parmi les Nations » par Yad Vashem, une solution de dernière minute a finalement été négociée, permettant aux réfugiés de trouver asile dans quatre pays : l'Angleterre, la France, la Belgique et les Pays-Bas.
Ana Maria Gordon3 (née Anne Marie Karman) grandit à Košice, en Tchécoslovaquie. Elle est la fille unique de Richard et Sidoni Karman. La famille fait partie des passagers du St. Louis ; elle sera débarquée aux Pays-Bas. Tous trois sont d'abord envoyés au camp de réfugiés de Westerbork, puis déménagent chez des proches vivant à Amsterdam. Après l'invasion allemande des Pays-Bas, ils sont de nouveau déportés à Westerbork, alors devenu un camp de transit supervisé par les nazis allemands, pour les Juifs en attente de déportation vers les camps de concentration et de mise à mort. Là, Ana Maria et sa mère sont séparées du père, déporté au camp de concentration de Buchenwald. Peu de temps après, la mère et la fille sont envoyées au camp de concentration de Ravensbrück4. Elles seront libérées, peu avant la fin de la guerre, par la Croix-Rouge danoise et suédoise. Elles sont alors envoyées au Danemark, puis en Suède, où elles entament leur réhabilitation physique et spirituelle. Là, elles retrouvent le père d'Ana Maria, qui a lui aussi survécu. La famille quitte l'Europe en 1946 et commence une nouvelle vie au Mexique. En 1983, Ana Maria rencontre son second mari, installé à Los Angeles, aux États-Unis - un survivant de l’Holocauste, également né en Tchécoslovaquie. Elle résidera aux États-Unis jusqu'en 2009. Après le décès de sa mère, elle déménage à Toronto pour se rapprocher de son fils. Au bout de quatre ans, elle obtient la citoyenneté canadienne.
Au lendemain de la dévastation de l’Europe, la prise de conscience de la situation des réfugiés et les efforts pour répondre aux besoins des demandeurs d'asile deviennent une cause civique honorable. Progressivement, les voix des soutiens actifs se font entendre au sein de la société civile et finissent par avoir un impact sur le monde politique. Le Canada en est un exemple frappant. À la fin des années 1970, « Operation Lifeline » voit le jour dans un salon. Un mois plus tard, 66 chapitres circulent dans tout le pays en faveur d’un parrainage privé de réfugiés indochinois. Les efforts et l'élan de cette action vont influencer les groupes religieux, les entités sociales et pour finir, les politiciens.
Nous invitons l'enseignant à explorer, au sein de son propre pays, les influences et impacts qui ont conduit à un changement positif en matière de politiques locales, nationales et internationales sur le sort des réfugiés et des demandeurs d'asile.
Dans certains cas, malgré des recherches approfondies, nous n'avons pas été en mesure d'identifier les détenteurs des droits d'auteur de certaines sources incluses dans ce matériel. Pour toute réclamation légale, merci de contacter Yad Vashem.