Retrouver les Noms des victimes de la Shoah. Recherche et collecte des noms des juifs assassinés, originaires des territoires de Grande Hongrie. Colloque conjoint de Yad Vashem et de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
Retrouver les Noms des victimes de la Shoah. Recherche et collecte des noms des juifs assassinés, originaires des territoires de Grande Hongrie. Colloque conjoint de Yad Vashem et de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
Retrouver les Noms des victimes de la Shoah. Recherche et collecte des noms des juifs assassinés, originaires des territoires de Grande Hongrie. Colloque conjoint de Yad Vashem et de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
10 janvier 2018
Le mercredi 10 janvier 2018, Yad Vashem, l'Institut international pour la mémoire de la Shoah, et la Fondation pour la Mémoire de la Shoah ont organisé un événement conjoint afin de marquer l'aboutissement d'un projet mené sur une décennie : rechercher et collecter les noms des victimes de la Shoah sur les territoires de "Grande Hongrie". Mis en œuvre par Yad Vashem avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, ce projet a permis de retrouver plus de 200 000 noms. Aujourd'hui, 80% des victimes hongroises de la Shoah ont été identifiées. Au-delà du nom des victimes, cette recherche a pu mettre à jour une partie de leur histoire. L'événement s'est tenu à l'Institut historique allemand à Paris, en présence de rescapés de la Shoah et de leurs familles, de chercheurs et de représentants de la communauté juive.
Après l'accueil de Thomas Maissen, directeur de l'Institut historique allemand qui abrita cette manifestation, Philippe Allouche, directeur général de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah a tenu à saluer le travail de Yad Vashem :
"Je voudrais ici rendre hommage au travail extraordinaire conduit par les équipes de Yad Vashem. Nous sommes extrêmement fiers de pouvoir vous aider depuis de nombreuses années" a-t-il dit. "Retrouver les noms des victimes et retracer autant que possible leur parcours, c’est lutter contre l’effacement programmé du crime nazi. C’est aussi essentiel pour écrire l’histoire comme pour la transmettre".
De son côté, Miry Gross, directrice des Relations avec les pays francophones, a souligné comment la Fondation qui a soutenu ce projet pendant dix ans, a vu dans la collecte des noms de Grande Hongrie une mission de première importance. Ce fut tout d'abord Madame Simone Veil, alors présidente de la FMS et, elle-même, rescapée de la Shoah, qui fut témoin, en été 1944, de l'extermination des Juifs de Hongrie, et vit dans ce projet le moyen d'honorer les victimes dont l'identité restait encore inconnue. De son côté, Serge Klarsfeld, membre du Comité directeur de la FMS qui avait déjà réalisé un premier travail de collecte des noms des victimes juives de Hongrie fut un véritable parrain de ce projet. Il fut l'un des premiers à comprendre l'importance de la recherche des noms des victimes hongroises de la Shoah. Dans les années 1980, il avait rassemblé des noms de victimes à partir de listes de prisonniers des camps de concentration et de travaux forcés. Ce projet avait abouti à la constitution de 11 volumes renfermant 120 000 noms. Ceux-ci constituaient la source la plus fournie jusqu'à ce que Yad Vashem se lance dans cette récente entreprise de collecte de noms.
Madame Aliza Bin Noun, ambassadeur d’Israël en France, assistait également à cette manifestation, à plus d'un titre. En effet, avant de représenter Israël en France elle avait été ambassadeur en Hongrie pendant plusieurs années et sa famille est, elle-même, d'origine hongroise et directement concernée par la Shoah puisque les parents d'Aliza Bin Noun ont fui les nazis et ses grands-parents ont été déportés et assassinés à Auschwitz-Birkenau.
Nicolas Roth, Juif hongrois rescapé de la Shoah, livra également son témoignage sur la vie en Hongrie avant la Shoah et la montée de l’antisémitisme. Déporté à Auschwitz-Birkenau, il parvint à survivre malgré le travail harassant auquel il était contraint. Lors de l’évacuation du camp, il connut la "marche de la mort" avant d’être transféré au camp de Dachau d'où il sera libéré en avril 1945. Son récit, sous le titre, "Avoir seize ans à Auschwitz", a été publié aux éditions FMS - Le Manuscrit.
Annette Wieviorka, directrice de recherche émérite au CNRS, apporta ensuite un éclairage historique sur la Shoah en "Grande Hongrie". Egalement membre du Comité directeur de la FMS, elle avait aussi participé à la manifestation organisée à Yad Vashem, à Jérusalem, pour marquer l'aboutissement du projet. Ce fut l'occasion de rendre hommage à Simone Veil, décédée en juin dernier. Annette Wieviorka rappela alors que, pour l'ancienne présidente de la FMS, le travail de collecte des noms était le meilleur moyen de contrer définitivement la négation de la Shoah. Pourtant, Simone Veil nétait pas totalement rassurée ; elle s'inquiétait notamment des tendances à relativiser et à comparer la Shoah à toutes sortes d'autres événements ou génocides.
Haïm Gertner, directeur des Archives de Yad Vashem et Alexander Avraham, directeur de la Salle des Noms de Yad Vashem, ont présenté le projet de recherche des noms, ses méthodes innovantes et ses résultats. Ils ont également évoqué plusieurs exemples montrant l'importance de ce travail de collecte des noms des victimes de la Shoah et la constitution de la Base centrale des noms des victimes de la Shoah. Parmi ces exemples, on a pu suivre le cas d'un déporté de France, David Pastel, dont le destin aurait pu rester à jamais enfoui dans l'anonymat de la mort de masse sans les recoupements possibles par le travail de Yad Vashem. Déporté à Auschwitz, il fut entrainé dans les "marches de la mort" en janvier 1945 et abattu, avec d'autres prisonniers, par un gardien, en cours de route, près d'un village de Pologne. Le prêtre de ce village fit enterrer les corps dans le cimetière local et fit noter sur la pierre tombale les numéros de matricules des victimes. C'est grâce à ces numéros et au recoupement des informations collectées par Yad Vashem que David Pastel pu être identifié. Sa petite fille, Madame Emmanuelle Saada, était d'ailleurs présente à la manifestation lorsque le destin de son grand-père fut rappelé.
Serge Klarsfeld, avocat et historien, président de l’association des Fils et filles des déportés juifs de France, a conclu cette rencontre. Il a rappelé l'ampleur de ce projet et a salué l'acharnement de l'équipe de Yad Vashem pour mener à bien cette collecte :
"Il faut saluer comme il le mérite l'ambitieux projet de Yad Vashem de recherche des noms des victimes de la Shoah dans la Grande Hongrie des frontières de 1941. Dès que Yad Vashem a été en mesure de remplir cet objectif après l'écroulement du monde communiste en Europe, ses équipes d'historiens et de chercheurs se sont mis au travail sans relâche, investissant archives publiques et privées pour restituer à chacun son identité, et, si possible, son parcours de vie et sa personnalité. La tâche pour les centaines de milliers de Juifs de Hongrie et des provinces extérieurs qu'elle avait annexées était immense".
Dans le cadre de son programme de recherche des noms des victimes de la Shoah, Yad Vashem conduit en Pologne un projet similaire à celui de "Grande Hongrie". Ce projet bénéficie également du soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah. De plus, depuis le mois de janvier, la Base de données centrale des noms des victimes de la Shoah est désormais accessible au public francophone sur le site Internet de Yad Vashem en français : yadvashem.org/fr.