De gauche à droite : Yossi Gvir, Alexander Avraham, Viviane Uria, Avner Shalev, Beate et Serge Klarsfeld, Miry Gross, Shaya Ben Yehouda, Dorit Novak, Eliad Moreh
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16 février 2016
Beate Klarsfeld reçoit le diplôme de citoyenne d'honneur de l'État d'Israël
Mariée à Serge Klarsfeld, Beate Klarsfeld représente bien un exemple exceptionnel de dévouement à la cause de la mémoire de la Shoah et de la tolérance. Sa renommée l'a conduite à s'exprimer devant le Conseil de l'ONU pour la Journée internationale du souvenir de la Shoah, le 27 janvier dernier, et l’entraîne dans tous les lieux de conflits à travers le monde comme ambassadrice honoraire de l'UNESCO chargée de l'enseignement de la Shoah et de la prévention des génocides. Le 15 février 2016, Beate Klarsfeld a reçu des mains du ministre de l'Intérieur, Aryeh Deri, sa carte d'identité de citoyenne israélienne au titre de «sa contribution au peuple juif ». La cérémonie s'est déroulée en présence de plusieurs membres importants de Yad Vashem qui avait soutenu sa demande de citoyenneté au nom de son œuvre dans le domaine de la mémoire de la Shoah. En lui remettant sa carte, Aryeh Deri a déclaré : « vous êtes une héroïne qui a dédié sa vie au peuple juif ». Ces mots ne sont pas trop forts : Beate Klarsfeld est réellement une "héroïne" de la cause de la mémoire.
Le lendemain de cette cérémonie au ministère de l'Intérieur, Serge et Beate Klarsfeld étaient accueillis à Yad Vashem par plusieurs directeurs de départements de l'Institut, qui œuvrent en étroite collaboration avec les époux Klarsfeld depuis de nombreuses années. Beate et Serge étaient visiblement émus de se retrouver dans cette Salle Shenavi, ici même où Beate avait été accueillie en 1973 par l'ancien Président de Yad Vashem, Itzhak Arad. Et Serge Klarsfeld de préciser : « En 1971 j'étais venu demander de l'aide à Yad Vashem pour nous permettre de faire libérer Beate qui était détenue à Cologne après notre tentative d'enlèvement du nazi Kurt Lischka. Et depuis, Yad Vashem est devenu ma famille en Israël ». Pour comprendre le lien d'amitié et de dévouement réciproques qui unit depuis de nombreuses années les époux Klarsfeld et Yad Vashem, ainsi que pour mesurer la stature de cette femme exceptionnelle que l'État d'Israël accueille aujourd'hui comme citoyenne d'honneur, il convient de faire un peu d'histoire. Jeune Allemande arrivée en France comme jeune fille au pair, Beate Klarsfeld décide de rester vivre en France et rencontre Serge Klarsfeld qu'elle épouse en 1963. Elle découvre alors l'implication de l'Allemagne dans le génocide nazi et l'impact de la Shoah sur la seconde génération. Lorsqu'un ancien nazi, Kurt Georg Kiesinger, se présente aux élections allemandes pour être Chancelier en 1968, elle décide de dénoncer la présence de nombreux anciens nazis aux postes les plus élevés de l'Allemagne d'après-guerre. Elle constitue plusieurs dossiers qu'elle envoie à la presse, mais l'acte le plus marquant sera la gifle qu'elle donnera à Kiesinger en le traitant d’ancien nazi, alors qu'il s'exprime publiquement lors du congrès de son parti. Cet acte conduit à la défaite de Kiesinger et c'est l'ancien résistant Willy Brandt qui devient Chancelier et qui, sous l'impulsion de Beate Klarsfeld, établit en 1971 une convention franco-allemande qui brise l'impunité dont jouissaient les anciens nazis devant la justice. Il faudra néanmoins de nombreuses luttes pour que Serge et Beate Klarsfeld obtiennent l’application effective de cette convention, et ce malgré les réticences des administrations françaises et allemandes. Ce n'est qu’en 1980 que deux des principaux nazis impliqués dans la déportation des Juifs de France, Kurt Lischka et Herbert Hagen, sont jugés et condamnés au procès de Cologne. Parmi les actions entreprises par les époux Klarsfeld en vue de traîner les nazis devant la justice, on notera notamment les procès de Paul Touvier, Maurice Papon et Klaus Barbie qui ont eu un impact considérable sur la prise de conscience de la Shoah en France et en Allemagne et sur la transmission aux jeunes générations. Parallèlement à ces actions d'éclat, Serge et Beate Klarsfeld mènent depuis de nombreuses années, un travail de documentation et d'éducation à travers l'association des Fils et filles de déportés juifs de France, la Fondation Beate Klarsfeld et la Fondation pour la Mémoire de la Shoah. Bien entendu, la coopération avec Yad Vashem pour accomplir ce travail de mémoire, a toujours été très étroite et n'a jamais cessé. L'entreprise considérable qu'ils ont menée a permis de sensibiliser le public français au sort des enfants juifs en France pendant la Shoah et a conduit l'UNESCO à les nommer ambassadeurs honoraires pour l'enseignement de la Shoah et la prévention des génocides. Un rôle qu'ils assument avec autant d'abnégation et d'énergie que leurs premiers combats des années 70 contre les anciens nazis.