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Lorsqu’elle vit certains de ses élèves arriver un matin à l’école avec l’étoile jaune obligatoire sur leurs vêtements, Andrée Geulen, enseignante dans une école bruxelloise alors âgée de 20 ans, fit l’expérience de la persécution des Juifs pour la première fois. Comme de nombreux autres Belges, Geulen n’avait pas prêté attention jusqu’alors aux mesures anti-juives et à la persécution des Juifs. Mais confrontée à la discrimination subie par ses élèves, elle décida d’agir. Elle ordonna à tous ses élèves de porter un tablier à l’école, afin de dissimuler la marque distinctive humiliante imposée aux Juifs.
Après sa rencontre avec Ida Sterno, une militante juive de l’association clandestine « Comité de Défense des Juifs » qui avait besoin d’un partenaire non-juif pour l’aider à accompagner les enfants juifs jusqu’à leurs cachettes, Geulen s’engagea dans des activités de sauvetage. Geulen reçut un nom de code – Claude Fournier – et la consigne de quitter la maison de ses parents et de déménager dans le pensionnat où elle enseignait. L’école Gatti de Gamont fut très impliquée dans la cache des enfants juifs. A l’initiative de la directrice, Odile Ovart, douze élèves juifs furent secrètement abrités au sein de l’établissement.
En mai 1943, les Allemands firent une descente dans l’école au milieu de la nuit. On soupçonne cette descente d’avoir été le fruit d’une dénonciation. Les élèves furent brutalement réveillés et tirés du lit pour permettre la vérification de leurs identités. Le moment avait été bien choisi. C’était la période de la Pentecôte – tous les élèves non-juifs étaient en vacances dans leurs familles, les enfants juifs qui n’avaient nulle part où aller étaient, eux, restés à l’école. Les enfants juifs furent arrêtés et les enseignants interrogés. Andrée Geulen ne laissa transparaître aucune crainte et à la question des Allemands lui demandant si elle n’avait pas honte d’enseigner à des Juifs, elle répondit impudemment : « N’avez-vous pas honte de faire la guerre à des enfants juifs ? »
Geulen parvint à échapper à l’arrestation mais Odile Ovart et son mari furent arrêtés et déportés dans des camps de concentration en Allemagne où ils périrent. Tous deux furent reconnus comme Justes des Nations par Yad Vashem. Cet incident ne suffit pas à dissuader Geulen de poursuivre ses activités illégales. Au contraire. En quittant l’école cette nuit-là, elle alla informer tous les élèves juifs qu’elle connaissait de ce qui s’était passé, les avertissant de ne pas revenir à l’école. Elle s’impliqua encore davantage dans les activités de sauvetage et rentra dans la clandestinité. Geulen loua un appartement sous son faux nom et s’y installa avec Ida Sterno. Le contact avec les organismes de sauvetage était maintenu à travers des boîtes postales secrètes dont l’une se trouvait dans un magasin d’antiquités.
Pendant plus de deux ans, Andrée récupéra des enfants et les confia à des familles ou des monastères chrétiens. Elle s’assurait que les familles étaient à même de recueillir les enfants et continuait à leur rendre visite et à répondre à leurs besoins. « Ida et moi allions chercher les enfants dont les parents nous avaient demandé de l’aide. Nous disions aux parents de préparer une valise et que nous serions de retour un ou deux jours plus tard… Je pleure encore en pensant à toutes les fois où j’ai dû arracher des enfants à leurs parents, en particulier des enfants âgés de 2-3 ans, sans pouvoir dire aux parents où je les emmenais. » A chaque départ en mission, Andrée apprenait les noms et les adresses par cœur mais elle tenait en secret un registre des noms d’origine et de l’identité d’emprunt des centaines d’enfants qui vivaient dans la clandestinité et qui furent nombreux à ne jamais revoir leurs parents.
En mai 1944, Ida Sterno fut arrêtée et emprisonnée dans le camp de Malines et Geulen fut contrainte de se cacher. Elle rendit néanmoins visite à Sterno sous une fausse identité à Malines et les deux femmes poursuivirent leur travail jusqu’au dernier moment. A partir de la libération, Geulen eut beaucoup à faire pour accomplir le même travail dans le sens inverse : récupérer les enfants dans les familles et les ramener à leurs parents ou à des proches. Les années passèrent et elle resta en contact avec « ses » enfants, qui étaient invariablement surpris par la quantité de détails dont elle se souvenait à propos de leur enfance dans la clandestinité.
En 1989, André Geulen fut reconnue comme Juste des Nations. Dix-huit ans plus tard, elle se rendit à Yad Vashem pour la seconde fois à l’occasion d’une conférence des enfants cachés de Belgique. Au cours d’une cérémonie spéciale à Yad Vashem, elle reçut la citoyenneté israélienne à titre honorifique.
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