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« J'estime qu'il ne nous appartient pas de déporter nos compatriotes et que tout Français qui se rend complice de cette infamie agit en traître »
Jean Phillipe, commissaire de police français à Toulouse
La déportation des Juifs est une opération de grande envergure. Ces derniers sont arrêtés à leur domicile, conduits vers des points de rassemblement ou des centres de détention puis embarqués à bord des trains de déportation. Tout cela nécessite la participation massive des forces de police locales. La majorité des policiers suivent les consignes, certains avertissent les Juifs et leur permettent de s'échapper, mais ils sont très peu nombreux à refuser d'obéir aux ordres.
Jean Phillipe est nommé commissaire de police dans le 7ème arrondissement de Toulouse à la fin de l'année 1942. Il met ses fonctions à profit pour aider les Juifs et les résistants. Mais lorsqu’il reçoit l’ordre de remettre aux Allemands la liste de tous les Juifs de son arrondissement en janvier 1943, se sentant incapable de continuer à servir dans la police, il rédige une lettre de démission dans laquelle il dénonce avec véhémence la politique de collaboration du gouvernement de Vichy.
Phillipe entre dans la clandestinité et poursuit ses activités de résistance. Une imprudence commise par ses collègues conduit à son arrestation le 28 janvier 1943. Il est alors interrogé, torturé et incarcéré à Karlsruhe en Allemagne, avant d'y être exécuté le 1er mars 1944.
« Toulouse, le 15 janvier 1943.
Monsieur le Commissaire Central de Toulouse,
J'ai le regret de vous rendre compte de ce que la politique actuellement suivie par notre gouvernement n'étant pas conforme à mon Idéal, je ne saurais désormais servir avec fidélité.
Je refuse - et sous mon entière responsabilité - de persécuter des israélites qui, à mon avis, ont droit au bonheur et à la vie, aussi bien que Monsieur Laval lui-même.
Je refuse d'arracher, par la force, des ouvriers français à leur famille : j'estime qu'il ne nous appartient pas de déporter nos compatriotes et que tout Français qui se rend complice de cette infamie, se nommerait-il Phillipe Pétain, agit en traître.
Je connais l'exacte signification des mots que j'emploie.
En conséquence, Monsieur le Commissaire Central, j'ai l'honneur de vous informer de ce que, par le même courrier, ma démission est transmise à Monsieur l'Intendant Régional de Police.
Permettez-moi de vous exprimer ma gratitude pour l'extrême bienveillance dont vous fîtes toujours preuve à mon égard et veuillez agréer l'expression de mon respectueux dévouement.
Signé : Phillipe
ex-commissaire du 7 ème arrondissement »
Le 2 janvier 1995, Yad Vashem reconnaîtra Jean Phillipe comme Juste parmi les Nations.
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