« Il se peut que je doive désobéir au gouvernement, mais en ne le faisant pas, je désobéirais à Dieu. »
Suite à l'attaque de la Pologne par l'Allemagne et au début des persécutions contre les Juifs, de nombreux Juifs polonais fuient vers l'Est ; près de 15 000 d'entre eux trouvent refuge en Lituanie. Pris dans un étau entre les nazis et les Soviétiques, ils cherchent désespérément un moyen d'émigrer.
Lorsque Chiune-Sempo Sugihara, diplomate de carrière japonais, arrive en Lituanie en 1939, le pays est encore indépendant. Après l'annexion de la Lituanie par l'Union soviétique au cours de l'été 1940, tous les diplomates étrangers sont priés de quitter Kovno avant la fin du mois d'août. Alors qu'il est en train de rassembler ses affaires en vue de son départ, Sugihara apprend qu'une délégation juive attend devant le consulat et demande à être reçue. Etant sur le point de quitter ses fonctions, Sugihara est parfaitement libre d'ignorer cette sollicitation, il accepte pourtant de rencontrer la délégation pour un bref entretien. La délégation juive a une requête désespérée à lui soumettre : il est devenu pratiquement impossible d'obtenir des visas d'immigration pour quelque destination que ce soit, il ne reste donc plus qu'une seule possibilité, celle de se rendre à Curaçao – une colonie hollandaise – où aucun visa d’entrée n’est exigé. Les Juifs ont toutefois besoin d'un visa de transit japonais pour obtenir l'autorisation de traverser l’Union soviétique.
Le consul japonais envoie un télégramme à ses supérieurs au ministère des Affaires étrangères japonais, demandant des instructions, mais touché par la détresse des réfugiés, il prend l'initiative de commencer à délivrer des visas sans attendre la réponse de Tokyo. Lorsque celle-ci – négative – lui parvient, il décide de poursuivre malgré tout ce qu'il a entrepris. Des milliers de Juifs obtiendront ainsi un visa en un laps de temps très court, avant que le consulat ne ferme et que Sugihara ne soit contraint de quitter Kovno. On raconte que ce dernier, alors qu'il attendait, à la gare, de quitter le pays, tamponnait encore des passeports.
Onze mois plus tard, les Allemands occupent la Lituanie et cette minuscule issue de secours se referme brutalement. La plupart des Juifs du pays seront assassinés.
Le 4 octobre 1984, Yad Vashem reconnaîtra Chiune Sugihara comme Juste parmi les Nations.
