Avant la Seconde Guerre mondiale, Yitzhak et Nechama décident de se séparer. Evelyne reste avec sa mère. En 1940, suite à l'invasion allemande de la France, la mère et la fille se réfugient vers un village de Normandie, avec des proches, avant de revenir à Paris quelques mois plus tard. A l'été 1941, des rafles s’abattent sur les hommes juifs parisiens et conduisent à leur déportation vers des camps français ; Yitzhak fuit alors Paris pour se réfugier le sud de la France. Evelyne et sa mère restent dans la capitale. En juin 1942, elles quittent leur appartement et s'installent dans un hôtel - Nechama n'enregistre pas sa nouvelle adresse auprès des services de police. En juillet, quand survient la terrible rafle du Vel d'Hiv, elles sont cachées par le patron de l'établissement dans le grenier et échappent ainsi à la déportation.
Commence alors l’exil clandestin. Nechama fait appel à des passeurs qu’elle rémunère pour franchir la ligne de démarcation et finit par s’installer à Vichy avec Evelyne. La famille Pelzman, elle, est restée à Paris. Malgré le danger inhérent, Nechama et Esther gardent le contact, et s'écrivent régulièrement.
Nechama et Evelyne poursuivent leur périple et déménagent à Lyon, munies de faux papiers. "Les faux papiers étaient bons tant que personne [la police] ne demandait à les voir…", raconte Evelyne. "Partout, on demandait des papiers... La police ratissait chaque train, chaque tramway et chaque rue. Ma mère, avec son nom [soi-disant] français, avait peur qu’on lui pose une question, si elle ouvrait sa bouche, avec son accent étranger, c'était un gros problème. Nous étions terrifiés à l'idée qu'elle se fasse prendre."
Nechama décide alors de quitter Lyon, où les contrôles de police sont fréquents, pour une maison isolée de la ville voisine, Villeurbanne. Elle continue de correspondre avec Esther Pelzman, qui lui fait suivre du matériel et des équipements de son appartement de Paris pour qu'elle puisse confectionner des chapeaux. La jeune femme réussit à gagner sa vie dans la région lyonnaise, grâce à la fabrication et la vente de ses chapeaux.
En janvier 1944, Evelyne célèbre son anniversaire : elle a 10 ans. Elle est toute heureuse de recevoir une carte de son ami d’enfance, Maurice Pelzman, qui lui écrit de Paris. Il lui adresse une jolie carte postale, représentant un garçonnet et une fillette tenant des fleurs. Au verso, il rédige quelques mots pour sa jeune amie :
Janvier 1944.
Pour tes dix ans, je te souhaite un heureux anniversaire et j’espère te le souhaiter de plus près l’année prochaine.
Ton petit ami, Maurice.
Nechama et Evelyne resteront à Villeurbanne jusqu'à la Libération, sans rien savoir du sort advenu à Yitzhak. Après la guerre, elles rentrent à Paris et retrouvent Yitzhak qui a également survécu. Quelques temps plus tard, elles apprennent que les Pelzman ont connu une fin tragique : la famille a été déportée et assassinée à Auschwitz.
En 1949, Nechama et Evelyne immigrent en Israël, où la jeune fille troque son prénom pour celui d’Edna. Par la suite, elle témoignera :
En 1944, mon ami Maurice m'avait envoyé une carte d'anniversaire. Il exprimait alors l'espoir que nous puissions le fêter ensemble l'année suivante. Qui aurait pu imaginer qu'un mois plus tard, à l'âge de dix ans, il serait envoyé dans les chambres à gaz et que je ne le reverrais plus jamais ? Chaque année, le jour de Yom Hashoah, je place la touchante carte d'anniversaire jaunie à côté d'une bougie commémorative et d'un bouquet de fleurs, comme symbole de la tragédie de la Shoah et à la mémoire de mon ami Maurice.
En 1955, Nechama Wittenberg a rempli des Feuilles de témoignage à Yad Vashem à la mémoire de son amie Esther Pelzman et de ses enfants, de son frère Nathan Kuperman et de sa femme, tous assassinés à Auschwitz, ainsi que d'autres proches. Le fils de Nathan et Paulette, Bernard, a survécu. En 2016, dans le cadre du projet national “Rassembler les fragments”, des documents et des photographies des familles Wittenberg et Pelzman ont été confiés aux archives de Yad Vashem, dont la carte postale envoyée par Maurice à Evelyne.