02/05/2018
Dans son discours du lundi 30 avril 2018, devant le Conseil national palestinien, le chef de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a voulu donner aux Palestiniens, et à nous tous, une prétendue "leçon d'histoire", regorgeant de rhétorique antisémite et de distorsions de faits historiques. Malheureusement, Abbas a choisi de s’en prendre au souvenir de la Shoah en essayant de convertir cette période en outil de propagande, falsifiant ouvertement l'histoire au point d'accuser les victimes juives d'être responsables de leur propre meurtre, et de transformer Hitler en sioniste.
Dans ses propos, Abbas affirme que la Shoah n’est pas le fruit de l'antisémitisme, mais du "comportement social" des Juifs alors impliqués dans les prêts et les opérations bancaires, activités qui auraient suscité l'opposition des peuples d'Europe à leur encontre. Pour étayer cette affirmation, Abbas s'est appuyé sur des citations de Karl Marx, Staline et autres. Cependant, son propre argument est lui-même fondamentalement antisémite, dans la mesure où il inclut un narratif antisémite séculaire, qui assimile les Juifs à la cupidité monétaire. Une connaissance ne serait-ce qu’élémentaire de l'histoire juive enseignerait à Abbas non seulement que les Juifs occupaient tout un panel de professions et d'occupations diverses, mais qu’à cette époque, la majorité d'entre eux était pauvres. Une connaissance ne serait-ce qu’élémentaire de l'histoire européenne informerait Abbas de l'escalade de l'antisémitisme à travers l'Europe au cours de la seconde moitié du XIXe siècle et du début du XXe siècle, ce qui a constitué, dans les faits, le contexte principal pour le meurtre de Juifs pendant la Shoah.
Selon Abbas, un accord de transfert signé par les représentants du mouvement sioniste avec le gouvernement allemand, un mois soi-disant après l'arrivée d’Hitler au pouvoir, prouve qu'Hitler a facilité l'immigration des Juifs en Palestine mandataire et soutenait donc le sionisme. En réalité, Hitler a clairement exprimé sa position envers l'effort sioniste dans son livre Mein Kampf, où il écrivait que le but du sionisme était "l'établissement d'un centre organisationnel pour leurs arnaques mondiales [aux juifs], doté de ses propres droits souverains et protégé contre l'intervention d'autres Etats : un refuge pour les scélérats condamnés et une université pour les escrocs en herbe". En d'autres termes, la position d’Hitler vis-à-vis du sionisme était totalement opposée à celle qu'Abbas lui attribue sans fondement.
Quant à l'accord de transfert entre l'Agence juive et le ministère des Finances allemand, signé plus de six mois après l’accession d’Hitler au pouvoir, il ne constituait évidemment pas un soutien intentionnel des nazis au sionisme. Il découlait de la politique première anti-juive nazie, qui, à l’époque, visait à provoquer le départ de tous les Juifs d'Allemagne, aussi rapidement que possible. La "taxe d'évasion" allemande existait avant la prise de pouvoir des nazis et cherchait à empêcher une perte de capital financier. Les négociations de l'Agence juive avaient permis de conclure un accord financier complexe permettant à certains Juifs qui émigraient d'Allemagne vers la Palestine mandataire, de recevoir une partie des fonds laissés derrière eux. Mais relativement peu de Juifs ont émigré dans ce cadre, et Hitler lui-même n'a été impliqué dans la formulation de l’accord.
La Shoah a résulté de la conception nazie selon laquelle l'existence juive doit être totalement éliminée. En mai 1941, en plein milieu de la Shoah, Hitler avait clairement signifié au Mufti de Jérusalem, Haj Amin al-Husseini, qu'après la percée des forces allemandes du Sud du Caucase jusqu’au Moyen-Orient, "l'objectif allemand consistera en l’extermination des Juifs des territoires arabes sous domination britannique" (comme indiqué dans le procès-verbal de leur entretien).
Les données historiques sur la Shoah sont à la disposition du chef Abbas et d'autres orateurs arabophones du monde entier, sur le site Internet de Yad Vashem.