10/08/2020
Déporté à 16 ans à Auschwitz-Birkenau, ancien président et président d'honneur du Comité Français pour Yad Vashem, Paul Schaffer s'est éteint le 6 août dernier, à l’âge de 95 ans. Un survivant des camps, qui a consacré sa vie à commémorer et défendre la mémoire de la Shoah, dont la disparition vient profondément attrister les équipes de Yad Vashem à Jérusalem et à Paris.
Proche de lui, Miry Gross, directrice des Relations avec les pays francophones, témoigne : "Paul était un homme de conviction, loyal et fidèle, qui a su faire honneur à la communauté juive de France pour son amour à Israël et son engagement envers la mémoire de la Shoah. Un gentleman moderne qui savait allier diplomatie et détermination et portait le respect de l’autre au premier plan de ses préoccupations.
"Pourtant, pour avoir subi dès son enfance la montée du nazisme, la nuit de Cristal, la fuite à travers plusieurs pays, la déportation et les camps, la perte de ses parents et de sa sœur dans la Shoah, il aurait pu étouffer cette générosité et cette délicatesse qui le caractérisaient. Mais il a choisi de rester l’homme ouvert et bienveillant que nous avons connu."
Dans son livre de souvenirs, Le Soleil voilé, Paul Schaffer raconte les persécutions et l’exode de sa famille, des Juifs viennois contraints de fuir leur pays suite à l’annexion de l’Autriche par les Allemands et la nuit de Cristal. Il a 14 ans quand survient ce vaste pogrom déclenché dans toute l’Allemagne et l’Autriche, premier signal de l’extrême violence qui s’apprête à s’abattre sur les Juifs d’Europe. Sa famille s’exile à Bruxelles, puis rejoint Revel dans le Sud-Ouest de la France, quand les Allemands attaquent la France par la Belgique. Fin 1940, les Schaffer sont invités à rejoindre "un camp de famille" à Agde, essentiellement composé de Juifs réfugiés d’Allemagne et d’Autriche, qu’ils parviennent à quitter grâce à l’intervention d’une amie de la famille.
Mais ils ne sont pas épargnés par les vagues d’arrestation de l’été 1942. Le 26 août, Paul, sa mère et sa sœur sont transférés au camp de Drancy. De là, ils font partie des internés déportés à Auschwitz par le convoi 28, parti de Gurs le 1er septembre et passé par Drancy le 4. Parmi les 999 Juifs à bord, 27 seulement reviendront. Paul Schaffer est l’un d’eux, et l’unique survivant de sa famille : sa mère et sa sœur ont été gazées dès leur arrivée à Birkenau.
D’abord interné dans deux camps de travaux forcés satellites d’Auschwitz, il est ensuite transféré à Birkenau en novembre 1943, puis à Bobrek en avril 1944 où il rencontre Simone Veil avec laquelle il noue une indéfectible amitié. Après une marche de la mort dont il réussit miraculeusement à s’échapper, il est rapatrié par l’armée française, en avril 1945.
De retour en France, il retourne à Revel, puis Toulouse, où il reprend des études d’électronicien et entame une brillante carrière d’industriel. Jamais, cependant, il ne se dérobera au devoir de mémoire : il témoigne lors du second procès d’Auschwitz à Francfort, entre 1963 et 1965, puis assume la présidence du Comité français pour Yad Vashem et celle de l'Union des déportés d’Auschwitz. Il sera également membre du bureau de la Fondation pour la mémoire de la Shoah.
"Je me suis toujours refusé à regarder ceux que je côtoyais quotidiennement avec la perception qui avait été la mienne, quelques années auparavant (c’est à dire, pendant la Shoah). J’aurais pu avoir perdu définitivement toutes mes illusions, mais aussitôt après mon retour, il m’a fallu réapprendre à rester ouvert et à faire confiance à l’homme", écrivait Paul Schaffer dans Le Soleil voilé. Faire confiance à l’homme "n’était plus une évidence, mais un travail sur soi" pour ce rescapé, une vertu devenue chez Paul Schaffer un devoir sacré et une leçon pour chacun de nous.
Paul Schaffer venait de perdre sa précieuse épouse Jackie, sa compagne de vie qui a su l’accompagner et le soutenir tout au long de ses différents projets. Paul et Jackie sont désormais unis à la vie, comme à la mort.
Avner Shalev, président du Comité directeur de Yad Vashem, Dorit Novak directrice générale et Shaya Ben Yehuda, directeur du département des Relations Internationales, Miry Gross, directrice du Bureau francophone, s’associent pour transmettre leurs sincères condoléances à Annick et Lucien Jibert, la fille et le gendre de Paul Schaffer, à son petit-fils Adrien et son épouse, et à toute leur famille.
Que l'œuvre de transmission et d'éducation au service de la mémoire de la Shoah et de la tolérance, accomplie tout au long de sa vie, soit un réconfort pour ses proches et un exemple pour les jeunes générations.
Pour visionner les témoignages de Paul Schaffer sur le site de Yad Vashem, cliquez ici :