15/07/2020
Liliane Klein-Lieber est née à Strasbourg en juin 1924, dans une famille juive installée en Alsace depuis plusieurs siècles. En 1931, elle entre chez les Eclaireurs et éclaireuses israélites de France (EIF), avec, pour nom de totem "Luciole obligeante".
La famille Lieber pratique un judaïsme proche du courant libéral, "de bons Français israélites, devenus, au fil des ans et des événements, des Français juifs et enfin des Juifs français", racontera Liliane bien des années plus tard.
Le 3 septembre 1939, alors que la France déclare la guerre à l'Allemagne, Strasbourg est évacuée. Le père de Liliane est réquisitionné par l'Armée pour le ravitaillement des troupes et contraint alors de rester à Strasbourg. Le reste de la famille se replie à Vichy. La synagogue de la ville devient rapidement un lieu de rassemblement pour les Juifs, en particulier pour les plus jeunes d'entre eux, qui vont créer un groupe d'Éclaireurs Israélites de France auquel Liliane adhère, tout naturellement, tout en poursuivant sa scolarité au collège.
En décembre 1941, Liliane et sa mère se réfugient à Grenoble. Là, la jeune fille poursuit son engagement auprès des mouvements de jeunesse juifs. Mi-août 42, après un grand camp d'éclaireuses dans les Alpes, elle doit prendre part à un camp de formation de cheftaines dans le Limousin. Mais une rencontre avec Robert Gamzon, fondateur en 1923 des EIF, la conduit à Moissac, à la maison créée avant-guerre pour accueillir des enfants de familles juives récemment immigrées.
D'importantes rafles de Juifs et d'étrangers sont programmées pour le lendemain 26 août, dans toute la zone sud, dite zone libre. Liliane, comme d'autres cheftaines et aînées, s'illustre dans le « planquage » et le suivi des adolescents qui lui sont confiés pour son réseau clandestin, plus tard connu comme « la Sixième ». Sous la fausse identité de Lyne Leclerc sa mission consiste à cacher des adolescents en danger, à leur procurer des faux papiers, maintenir le contact avec eux et convoyer certains vers la frontière suisse.
Elle participe également à une opération de sauvetage d’enfants dans le camp de Rivesaltes, qui reste parmi ses souvenirs les plus noirs de cette époque : "un jour de l'automne 42, je devais faire sortir deux enfants dont les parents étaient déjà localisés à l'Ilôt K, c'est-à-dire en instance de déportation. Je répondais à une demande d'Andrée Salomon, responsable de l'équipe d'assistantes volontaires de l'O.S.E., qui faisaient là un travail admirable auprès de ces milliers d'hommes, femmes et enfants, entassés dans des baraques insalubres et dont l'avenir évident était la déportation à plus ou moins brève échéance. Andrée Salomon, souriante même dans la difficulté, m’avait expliqué qu'elle me ferait sortir du camp avec ces deux enfants, tondus, comme ils l'étaient tous afin d'éviter l'invasion de poux. J'avais pour mission de me rendre avec ces enfants à Moissac où ils seraient pris en charge, requinqués avant d'être cachés ou, plus vraisemblablement, dirigés vers la Suisse comme tous les enfants parlant mal ou pas du tout le français et ceux refusant toute nourriture non cachère. J'avais eu la précaution de régler le prix de la chambre dès notre arrivée à l'hôtel, car au réveil je trouvais ces deux petits malheureux dans des draps inondés ce qui n'avait rien d'étonnant. Après une rapide toilette nous avions quitté l'hôtel pour ne pas manquer le train dans lequel, pour notre grande chance, il n'y avait eu aucun contrôle. Après une journée de repos passée à Moissac, j'étais repartie le lendemain à l'aube avec quelques adolescents à destination d'Annemasse où l'équipe en place, sous la houlette de Georges Loinger, avait pour mission de les faire passer en Suisse."
Fin décembre 1944, Liliane Lieber épouse Théo Klein, qui deviendra avocat et président du CRIF. Ils auront trois enfants. Théo Klein décédera début 2020.
Après la Shoah, Liliane Klein-Lieber continue à s'illustrer dans le militantisme. Sa vie durant, elle restera très proche des anciens des EIF. En 1965, elle participe à la fondation de la Coopération féminine. Elle représente aussi le scoutisme féminin à l’UNESCO, sera membre des Anciens de la résistance juive en France et sera décorée des titres de Chevalier de la Légion d’honneur et titulaire de la Croix du Combattant volontaire de la Résistance.
Egalement très impliquée dans la lutte pour la mémoire de la Shoah, Liliane Klein-Lieber était présente à la cérémonie de lancement de la version française du site Internet de Yad Vashem en mars 2017. Accompagnée de son petit-fils Jonathan Klein, et entourée d'autres rescapés dont les témoignages sont – comme le sien - accessibles sur le site Internet de Yad Vashem, Liliane Klein-Lieber avait pu assister à la présentation au public d'une exposition en ligne sur la rafle du Vel d'Hiv. Miry Gross, directrice du Bureau francophone des Relations internationales de Yad Vashem, déplore la disparition de "cette grande dame de la résistance, dont la voix et le témoignage vont terriblement nous manquer".