Choisi pour réciter la prière de El Malah Rahamim lors des cérémonies officielles de Yom Hashoah 2023, Ephraïm Mol a eu un malaise la veille des commémorations et s’est éteint quelques jours plus tard.
Il espérait faire la fierté de ses petits-enfants et arrière-petits-enfants lors des cérémonies officielles de Yom Hashoah, lundi 17 avril 2023 au soir. Choisi par Yad Vashem pour réciter la prière de El Maleh Rahamim (Dieu plein de miséricorde), il avait prévu de monter sur l’estrade de la Place du ghetto de Varsovie à Yad Vashem, décoré de ses médailles des guerres israéliennes auxquelles il a participé ; son fils Yoël, qui porte le nom de son grand-père, le père d’Ephraïm décédé à Auschwitz, devait se tenir à ses côtés. Mais la veille des commémorations de cette Journée du souvenir et de l’héroïsme et peu avant la répétition générale, le rav Habbad Ephraïm Mol, rescapé de la Shoah, a été victime d’un malaise et conduit à l’hôpital. Il s’est éteint vendredi 21 avril au matin, à l’âge de 85 ans.
Yad Vashem et son président Dani Dayan ont fait part de leur profonde tristesse à l’annonce de sa disparition. Ephraïm Mol, enfant caché pendant la Shoah, dont les deux parents sont morts en déportation, a consacré sa vie à la mémoire et à la transmission, témoignant sans relâche.
Ephraim (Freddy) Mol est né à Uccle, une banlieue de Bruxelles en Belgique, le 9 mars 1938, fils unique de Yoël (Yulik) Reuven et Bella. Ses parents ont quitté leur ville natale Varsovie en Pologne, avec leurs familles respectives, pour s’installer en Belgique peu après la Première Guerre mondiale. Après leur mariage, Yoël et Bella louent un appartement bruxellois qui abrite également leurs deux ateliers : lui, membre du mouvement Beitar, fabrique des portefeuilles en cuir, et elle, confectionne des chapeaux pour dames.
En septembre 1942, devant l’ampleur du danger, ils décident de fuir la Belgique occupée par les nazis avec leur fils Ephraïm et de se rendre en Suisse, en passant par Besançon à proximité de la frontière franco-suisse où ils ont loué une chambre dans un petit hôtel. Les autorités suisses ont fermé leurs portes aux réfugiés juifs, alors, les parents d'Éphraïm ont décidé de faire confiance à un des habitants de la ville qui aide les Juifs à passer la frontière la nuit, contre rémunération. Mais la nuit suivante, en lieu et place du passeur, ils se trouvent nez à nez avec deux hommes de la Gestapo qui les attendent devant l’hôtel.
Orphelin, adopté et enfant caché
Ephraim et ses parents sont conduits au poste de la Gestapo. Un Allemand ordonne à deux policiers français de prendre Éphraïm. Sa mère réussit à l'embrasser et à lui mettre deux photos dans sa poche : une photo d'elle et une de son mari. Éphraïm ne sait pas encore qu'il ne reverra jamais ses parents. Le 18 septembre 1942, Bela et Reuven sont déportés à Auschwitz par le convoi 34 au départ de Drancy, où ils sont assassinés. Ephraim a rempli des Feuilles de témoignage à leur mémoire, ainsi qu’au nom de ses grands-parents, Hinda et Jankel Pinskier, assassinés dans la Shoah.
La police conduit Ephraïm, 4 ans, au monastère de Besançon où les sœurs accueillent des fillettes et garçonnets juifs, dans la même situation qu'Ephraïm. Au bout de quelques semaines, il est envoyé dans un orphelinat juif, à Paris, avec d’autres enfants du monastère. Les autorités françaises collaborent avec l'occupant nazi, mais permettent encore aux citoyens juifs français de gérer un orphelinat, un hôpital et une maison de retraite.
Ephraïm est alors adopté par le couple Weil, des Juifs français parents d'une fille unique de 18 ans et désireux d’avoir un fils. Ephraïm, choisi pour sa bonne conduite et pour savoir parler français, reçoit chaleur et amour de ses parents adoptifs.
Alors que la Shoah s’intensifie, les époux Weil se tournent vers Lucie Cartier, une de leur connaissance : elle cache les parents chez elle et emmène Ephraïm en région parisienne, où elle subvient à tous ses besoins. Elle sera, par la suite, reconnue Juste parmi les Nations.
A la Libération, Ephraïm retrouve ses parents adoptifs. Le foyer est assimilé, le jeune garçon fréquente les écoles de la République. En 1956, avec la couverture médiatique du Canal de Suez, Ephraïm, 18 ans, commence à s’intéresser à Israël. Il souhaite un effectuer son service militaire, mais ses parents adoptifs s'y opposent. Il est donc enrôlé dans l'armée française et participe à la guerre d'Algérie.
En 1960, il immigre en Israël et s'installé dans le kibboutz religieux de Sde Eliyahou. Avec sa femme Rachel, il décide d’embrasser la mouvance Loubavitch ; ils s’installent à Jérusalem. Il continuera à servir dans des unités de réserve de combat, prenant part à la guerre des Six jours, du Yom Kippour et la première guerre du Liban.
Ephraïm consacrera également une grande partie de son temps à témoigner à Yad Vashem devant différents publics. Avec sa femme Rachel, ils ont eu 4 enfants, de nombreux petits-enfants et arrière-petits-enfants.
Ephraïm Mol s’est éteint le 21 avril 2023.