Israël a toujours occupé une place particulière dans le cœur des Juifs. Avant la Seconde Guerre mondiale avec l’ascension du parti nazi et le déploiement de son idéologie antisémite, au plus fort de la Shoah alors qu'ils subissent les atrocités génocidaires nazies, puis au sortir de l’horreur, les Juifs expriment encore et toujours leur amour pour Eretz Israël.
Ce sont ces languissements, ces aspirations pour la terre d’Israël, même en ces temps les plus sombres de l’histoire, que Yad Vashem a voulu mettre à l’honneur dans le cadre d’une exposition intitulée “Il est, dit-on, une terre”.
Pour l’occasion, les murs de la salle des expositions de l’Auditorium de Yad Vashem ont été repeints en bleu et blanc, aux couleurs du drapeau israélien. Ici ou là, des noms d’endroits, en caractères d’imprimerie d’autrefois, égrenés d’une multitude de témoignages d’affection à l’égard du foyer national juif.
Mais ce qui fascine, c’est que nombre de ceux qui clament leur désir pour la Terre promise, sont parfois tout jeunes, très jeunes. Les adultes n’ont pas été les seuls à rêver à Eretz Israël, bien au contraire. Les enfants et les adolescents aussi. Voici quelques exemples de ces émouvantes déclarations d’amour juvéniles, assorties des parcours, tantôt heureux, tantôt tragiques, de leurs jeunes auteurs.
Israël mon amour
En 1936, Hanna Gottesman a 12 ans. Pour l’école juive qu’elle fréquente, cette jeune Berlinoise doit rédiger une dissertation sur Eretz Israël. Son texte est si éloquent qu’il lui permet de décrocher un prix, et d’embarquer pour la terre de ses rêves. L’exposition met en valeur des extraits du journal qu’elle tient pendant son séjour :
“Eretz Israël, je suis à nouveau à bord. Je me tiens à l’arrière du bateau et contemple la Terre des Juifs, redevenue fertile, sous des mains juives. Quelque chose d’extraordinaire a été accompli ici. Il y a 95 ans seulement, la vallée de Jezréel n’était qu’un vaste marécage, et aujourd’hui, elle est en fleurs. Les pionniers ont donné leur vie pour y parvenir. Et s’ils continuent comme ça, la vallée de la Houla sera, elle aussi, bientôt fertile et bourgeonnante. Cela demande plus qu’un simple effort… Pourtant… Au bout du compte, nous aurons un Eretz Israël fleurissant.”
Le retour en Europe, via l’Italie, s’avèrera compliqué pour l’adolescente. Après l’accession au pouvoir des nazis, le père de Hanna a été démis de ses fonctions, et, sous le coup de difficultés financières, la famille s’installe dans un village. En 1938, les tensions montent encore d’un cran quand des émeutiers détruisent le domicile des Gottesman.
La famille va alors connaître des destins divers. Hanna arrive en Israël en 1939, à 15 ans, par le biais de l’Alyat Hanoar (l’Alyah des jeunes). Son frère, lui, fera partie des enfants du Kindertransport, vers l’Angleterre. Quant à leurs parents, ils manqueront le coche pour quitter l’Allemagne, et seront déportés et assassinés.
En ces années 1930, un peu partout en Allemagne, Bessarabie, Russie ou Pologne, alors que l’Europe s’apprête à subir le joug de l’idéologie nazie, de nombreux enfants juifs n’ont qu’une idée en tête : immigrer en Palestine mandataire. C’est le cas d’Eliezer Rudnik. En 1937, à 10 ans, il écrit à ses tantes installées là-bas. “Je vois un signe que nous nous rencontrerons bientôt, de visu, sur notre Terre, notre Terre patrie, Eretz Israël”.
Malheureusement, la vision du jeune Ukrainien ne se réalisera jamais. Il sera abattu dans une fosse en 1942, avec ses parents Aryeh et Sarah Rudnik, seuls Juifs du village de Kosmaczow, après l’Occupation allemande de la zone.
Autre amoureux d’Eretz Israël, le jeune Zvi Hirsch Joselewski de Biélorussie. Dans une lettre adressée à ses proches à Tel-Aviv, il exprime ses ardeurs pour la Terre sainte et l’espoir de pouvoir bientôt immigrer en Israël. Il y enjoint quelques-uns de ses dessins, dont celui du palmier, au pied duquel repose un lion, avec le désert en arrière-plan. Zvi et sa famille seront assassinés à Treblinka en 1942.
De l’importance des mouvements de jeunesse
Pour beaucoup de jeunes Juifs d’Europe centrale, le lien avec Eretz Israëls’exprime au travers des mouvements de jeunesse qui connaissent, en ces années d’avant-guerre, leur heure de gloire, mettant l’accent sur la nature, prônant l’éducation physique et les valeurs morales.
Parmi les mouvements juifs, l’Hashomer Hatsair (le jeune gardien) insuffle un élan sioniste. Au cœur de ses motivations : promouvoir l’immigration et l’installation en Eretz Israël. Il encourage l’apprentissage de l’hébreu, par les poèmes et les chants entre autres, et sensibilise ses membres à l’histoire de la Terre d’Israël. L’alyah des jeunes qu’il encadre, va en outre permettre à de nombreux adolescents juifs d’échapper aux affres de la Shoah.
Parmi eux, Michael Kux. Ce natif de Bratislava, en Slovaquie, a fait partie d’une ferme d’entraînement du mouvement de jeunesse Hashomer Hatsair. Un cahier d’écolier datant de cette époque, en partie rédigé en hébreu, reflète les aspirations du jeune homme pour la Terre promise. En avril 1941, avec l’aide d’un représentant du mouvement qui lui fournit un certificat d’immigration, il débarque en Eretz Israël et s’installe au kibboutz Merhavia. Il y retrouve sa sœur Hava, qui a immigré en 1939 et a déjà suivi un entraînement clandestin de pionnier. Ses parents, Margit et Joseph Kux, ainsi que la jeune sœur de Michael, Lily, seront eux déportés et assassinés à Auschwitz.
Autres membres de l’Hashomer Hatsair, Malka Goldenberg et son frère Josif. Les années d’avant-guerre sont pour eux une période d’activité intense au sein du mouvement de jeunesse, dans leur ville native de Novosselytsia, en Bessarabie. Quand la famille est sur le point d’être expulsée, Malka réussit à cacher chez elle les drapeaux du mouvement, symbole de son attachement à Eretz Israël. Parents et enfants rallient Mogilev, Transnistrie, où les deux fils Josif et Moshé seront tués.
Après la Libération, Malka retrouve le domicile familial. Il a été détruit et saccagé, mais les drapeaux sont restés sains et saufs, dans leur cachette. Des drapeaux qui lui tenaient tant à cœur.
Avec l’annexion de la Tchécoslovaquie, Ruth Steckelmacher rejoint elle aussi un mouvement de jeunesse sioniste, sous les encouragements de sa mère. Quand la guerre éclate, en 1939, l’adolescente de 13 ans réussira à s’enfuir de Prague avec un groupe de jeunes, ralliant l’Italie et embarquant sur un bateau en direction d'Eretz Israël, où elle tiendra un journal. Sa mère Rosa et son frère aîné, Jan Hans, seront déportés à Theresienstadt et Auschwitz, où ils seront assassinés.
Avant, pendant, et après la guerre, dans le ghetto de Lodz, dans la Kovno occupée par les Russes, dans les fermes d’entraînement allemandes ou hollandaises, à Prague, Varsovie, ou Anvers, nombre de jeunes Juifs ont été animés d’un élan passionné pour la Terre sainte. Tous n’ont pas connu le même destin. Pour certains, la fin sera heureuse, pour d’autres, le parcours se terminera dans les turpitudes de l’horreur nazie. Mais tous avaient en commun cet amour inconditionnel pour Eretz Israël.