16 juillet 1942

Vélodrome d'Hiver

« Je ne fais que pleurer, je ne crois pas que ça me serve à quelque chose, mais c'est plus fort que moi »

Le 16 juillet 1942, la famille Polakiewicz a la chance de se voir accorder par un policier compréhensif l'opportunité d'échapper à la grande rafle des Juifs de Paris. Cependant, croyant naïvement que le fait de se soumettre aux autorités leur sera plus favorable, ils obéissent calmement à l'ordre de se présenter au commissariat de police. Une fois à l'intérieur du Vél' d'Hiv et à mesure que l'horreur de la situation leur apparaît plus clairement, ils réalisent qu'ils ont fait un mauvais calcul qui s'avèrera fatal. Rachel, leur fille aînée, âgée de 20 ans à l'époque, écrit une lettre à madame Sebbane durant la première journée de leur détention au Vél' d'Hiv :

Lettre de Rachel Polakiewicz : 16 juillet 1942, Vélodrome d'Hiver

Paris, le 16 juillet
Chers tous,
Quelques mots pour vous dire que nous sommes tous au Vel d'Hiv (Vélodrome d'Hiver), y compris Mme Zonszajn. Nous sommes tous assis tout autour, sur les fauteuils comme au spectacle, mais ce sont nous les artistes. Inutile de vous dire que c'est archi-plein. Nous sommes tous dans une situation peu enviable. Il y a un remue-ménage, je ne vous dis que ça, avec tous ces enfants, il y en a qui se perdent, il y a des malades, et on ne s'entend presque pas. Nous avons tous un mal de tête fou. Nous venons de « dîner » et nous essayerons de nous reposer un peu. On va dormir debout, quoi ! On ne sait pas combien de temps on restera ici, en tout cas, pour la 1ère journée, j'en ai marre, marre. Je ne fais que pleurer, je ne crois pas que ça me serve à quelque chose, mais c'est plus fort que moi. Je pense à Armand, il sera autant malheureux que moi de me savoir dans un camp. En plus, nous ne savons rien de Sonia et ce n'est pas réjouissant. Mon pauvre Armand qui avait l'habitude d'avoir presque tous les jours une carte de moi, je ne crois pas pouvoir lui écrire. Lorsque nous aurons une adresse stable, vous m'enverrez ses cartes car il va certainement continuer à m'écrire. Enfin, on verra ça plus tard, pour le moment, faites un peu attention chez nous, ce que vous pourrez prendre, prenez-le, fouillez partout, vous trouverez bien des choses à manger. Tout ce qui est chez Kalma, c'est à nous. Je finis, j'ai le cœur bien gros. Ce soir je ne pourrai pas monter chez vous. Tout le monde vous embrasse bien. De gros baisers de ma part à vous tous et à Maurice que je n'ai pas vu avant de partir.

Votre amie pour toujours.
Rachel

Lettre de Rachel Polakiewicz :  16 juillet 1942, Vélodrome d'Hiver
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