Dr. Adélaïde Hautval
France
Dr Adélaïde Hautval vivait dans une région du sud de la France contrôlée par Vichy, où elle exerçait le métier de psychiatre. En avril 1942, elle apprend le décès de sa mère qui résidait à Paris, alors sous occupation allemande. Souhaitant assister aux funérailles de sa mère, Hautval demande aux autorités allemandes l’autorisation d'entrer en zone occupée. Suite à leur refus, Hautval décide de prendre le risque de traverser la ligne de démarcation. Sa tentative échoue et elle est arrêtée par la police allemande et transférée dans une prison de Bourges. En juin 1942, des prisonniers juifs portant l’étoile jaune commencent à affluer dans la prison. Hautval proteste vigoureusement contre la façon dont ils sont traités, en disant aux gardiens : « Les Juifs sont des gens comme les autres. » En réponse à cela, il est décidé qu’elle partagera désormais leur sort. Refusant de se laisser décourager, Hautval épingle sur ses vêtements un morceau de papier jaune portant la mention « amie des Juifs ».
En janvier 1943, après avoir été en détention dans les camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande et en prison à Romainville, Orléans et Compiègne, elle est envoyée dans le camp d’extermination de Birkenau avec deux cents prisonnières juives françaises. Hautval, qui est une protestante fervente, est placée dans un bâtiment abritant cinq cent prisonnières juives et reçoit le surnom de « la sainte ». Elle met en pratique ses connaissances médicales en soignant les prisonnières juives qui ont contracté le typhus, les isolant dans une partie distincte du block, afin d’éviter la contagion. Employée comme médecin par le commandant du camp, Hautval s’abstient de rendre compte de l’état de santé des prisonnières, leur évitant ainsi une mort immédiate. Elle soigne les patients juifs avec un dévouement sans bornes ; la douceur de ses mains et la chaleur de ses paroles ont pour les Juifs une valeur inestimable dans l’enfer d’Auschwitz. « Ici , disait-t-elle, nous avons tous été condamnés à mort. Comportons-nous en êtres humains aussi longtemps que nous serons en vie. » Ses paroles restèrent gravées dans la mémoire des prisonnières.
Adélaïde Hautval est finalement transférée au block 10 du camp d’Auschwitz I, où l’on procédait à des expériences médicales. Le docteur Eduard Wirths l’implique dans l’identification des premières manifestations du cancer chez les femmes. Elle découvre rapidement que le projet s’appuie sur des expériences inhumaines pratiquées sans anesthésie sur des détenues juives. Elle déclare au docteur Wirths qu’elle ne participera pas à ses expérimentations et ajoute que nul n’a le droit d’ôter la vie d’un autre ou de décider de son sort. Forcée d'assister à la stérilisation chirurgicale d’une jeune femme originaire de Grèce, elle indique au docteur Wirths qu’elle n’assistera jamais plus à une procédure de ce type. Lorsque Wirths demande à Hautval : « Ne voyez-vous pas que ces gens sont différents de vous ? », elle lui répond : « Bien des gens sont différents de moi dans ce camp. Vous, par exemple. » Refusant de prendre part aux expérimentations de Mengele sur les jumeaux, elle est renvoyée à Birkenau. Envoyée par la suite à Ravensbrück, elle réussit à survivre jusqu’à la libération. De retour en France, sa santé est définitivement altérée par les années de détention.
En 1962, elle fait partie des principaux témoins auxquels fait appel l’écrivain juif américain Leon Uris à Londres. Dans son célèbre ouvrage intitulé Exodus, Uris décrit la cruauté des expériences pratiquées à Auschwitz, sur les détenus, par le médecin polonais Wladislas Dering. Ce dernier, qui a déménagé à Londres après la guerre, poursuit Uris en justice pour diffamation. A la demande d’Uris, Adélaïde Hautval se rend à Londres pour témoigner. Le magistrat anglais la dépeint comme l’une des femmes les plus impressionnantes et courageuses ayant jamais témoigné devant un tribunal en Grande-Bretagne, une femme dotée d’un fort tempérament et d’une personnalité extraordinaire.
Le 18 mai 1965, Yad Vashem a reconnu Adélaïde Hautval comme Juste parmi les nations.