« ne pas perdre l'espoir que bientôt nous serions [sic] de nouveaux réunis comme par avant [sic]. Je vous embrasse bien fort et encore une autre fois, à bientôt »
Tels furent les derniers mots d'Isaac Joseph Kornowski dans la carte postale qu'il envoya à sa femme et à ses fils en novembre 1941 du camp de Drancy. Dans cette carte, il demande que chacun d'eux lui écrive quelques mots de sa propre main afin qu'il sache que tous vont bien et qu'ils sont tous ensemble chez eux à Paris.
Isaac et Chaya Kornowski, qui avaient émigré en France depuis la région de Lodz en Pologne, vivaient dans le XXème arrondissement de Paris. Ils gagnaient leur vie grâce à un petit atelier de confection de vêtements sur mesure situé en face de leur appartement. Isaac était tailleur et sa femme Chaya couturière. En 1926, naissait Paul, leur fils aîné, suivi trois ans plus tard par leur fils cadet Henri.
Durant l'été 1941, Chaya et les garçons se rendirent comme à leur habitude dans un village en dehors de Paris où Isaac venait leur rendre visite tous les week-ends. Fin août 1941, des barrages furent mis en place à l'entrée de Paris et tous ceux qui passaient étaient soumis à un contrôle d'identité. Les papiers d'identité d'Isaac portaient un tampon l'identifiant comme Juif. Arrêté à un barrage alors qu'il rentrait à Paris, il fut placé en détention dans le camp de Drancy. Les membres de sa famille reçurent d'abord une carte postale. Une seconde lettre de sa part arriva la veille de sa déportation à Auschwitz depuis le camp de Compiègne à bord du convoi n°2. Le 7 juillet 1942, un mois environ après son arrivée à Auschwitz, Isaac fut assassiné.
Chaya et ses deux fils s'enfuirent à Nice dans le sud de la France. Paul dessina des graffitis de protestation et se retrouva sur la liste des personnes recherchées par les autorités. Les deux frères furent donc convoyés clandestinement en Suisse en septembre 1943 et transférés dans une maison d'enfants de l'OSE à Genève. Chaya demeura en France où elle survécut.
Après la guerre, Chaya et Henri vécurent en France. Paul fit des études d'art à Genève et à l'Ecole supérieure des Beaux-Arts à Paris. En 1948, il émigra en Israël et s'enrôla dans le Mahal (volontaires étrangers). Au cours de son service militaire, il illustra des manuels d'instruction. Kornowski, qui écrivait et dessinait sous le nom de « Kor », créa des affiches, des timbres et des billets de banque et remporta de nombreux prix internationaux. Il écrivit et illustra de nombreux livres pour enfants, dont la série « Caspion le petit poisson ».
Durant les dernières années de sa vie, Kor consacra la majeure partie de son temps à dessiner.
Paul Kor est décédé en 2001.
[Il ne reste qu'une partie de la lettre et l'état de celle-ci s'est détérioré avec le temps. Certains passages n'ont donc pas pu être déchiffrés.]
Mes très chers, Votre carte du 16 reçu [sic]. Mon cher Paul, on diras [sic] dans tous [sic] vos cartes, sauf la première, que Maman n'est pas à Paris parce que Maman n'a pas eu le temps de m'expliquer elle-même en quelque … la … de notre foyer depuis que je suis parti. Ma chère femme et fils [sic], vous devez comprendre vous-mêmes que je voudriez [sic] savoir plus de détail de [sic] votre situation, qui m'inquiète beaucoup. J'ai bien reçu vos colis dont un colis de nourriture […]
Avez-vous [récupéré le] charbon...
[Vous êtes-vous occupés de] prendre tout ce qui se trouve dans la cave du [sic] boutique ?... Avez-vous des nouvelles de mon frère… Comment ça va chez Fannie ? Et la famille…
Dos de la lettre
Pour ma part, je me porte bien. J'ai toujours l'espoir que bientôt nous serons de nouveaux [sic] réunis comme par avant. Un de mes camarades qui a été libérez [sic] d'ici Mr. Erlich est-il venu vous voir ? Si possible envoyez–moi dans le prochaine [sic] colis un peut [sic] d'huile et vinaigre dans une bouteille et quelques oignons. Je vous demande mes très chers que dans la prochaine carte, écrivez [sic] tous les 3 de vos propres mains. […]. Je termine […] d'être encore plus courageux et de ne pas perdre l'espoir que bientôt nous serions [sic] de nouveaux réunis comme par avant [sic]. Je vous embrasse bien fort et encore une autre fois, à bientôt. Votre mari et père.
Pas de tabac ni cigarettes dans les colis
P.s. Bonjour pour le petit […]. Embrasse lui [sic] bien de ma part. […].
[Bonjour à tous les amis].