« Dans notre village, tout le monde était musulman. Nous avons protégé les enfants de Dieu selon Besa, notre code d’honneur »
Je suis né en 1910. En 1943, pendant le Ramadan, dix-sept personnes sont arrivées de Tirana dans notre village, Shengjergji. Tous fuyaient les Allemands. Au début, je ne savais pas qu’ils étaient juifs. Nous les avons répartis entre les différentes maisonnées du village ; notre famille a accueilli les trois frères Lazar.
Nous étions pauvres, sans même une table sur laquelle manger, mais nous ne leur avons jamais permis, ne serait-ce qu’une fois, de payer pour la nourriture ou l’hébergement. J’allais couper du bois et puiser de l’eau dans la forêt. Nous faisions pousser des légumes dans notre jardin potager, aussi nous mangions à notre faim. Pendant quinze mois, les Juifs sont restés cachés dans notre village. Nous les avions habillés comme des paysans, comme nous autres. Même la police locale savait que le village cachait des Juifs. Je me rappelle qu’ils parlaient une multitude de langues.
En décembre 1944, les Juifs ont quitté notre village pour rejoindre Pristina, où notre neveu, qui s’était engagé chez les partisans, les a aidés. Puis nous avons perdu tout contact avec les frères Lazar. Ce n’est que quarante-cinq ans plus tard, en 1990, que Sollomon et Mordehaj Lazar nous ont contactés depuis Israël.
Raconté par Lime Balla.
Le 4 octobre 1992, Destan Balla et sa femme Lime Balla ont été reconnus Justes parmi les Nations par l’Institut Yad Vashem.