En 1933, Feliks London, fils unique de Rosalia et Piotr London, voit le jour à Kiev. Rosalia, née Ashkenazi en 1913, a un frère et une sœur cadets : Berta (née en 1916) et Emanuel (né en 1918). Leurs parents, Sonya (née Aronov) et Solomon, se séparent avant la guerre, et Sonya gagne sa vie comme couturière.
Piotr London, le mari de Rosalia, est né en 1911. Son frère Boris a un an de plus que lui.
Quand Feliks a 7 ans, Rosalia commente à travailler comme secrétaire médicale au NKVD (commissariat du peuple pour les Affaires internes). Les familles de Piotr et Rosalia vivent à Kiev.
Le 22 juin 1941, les Allemands envahissent l'Union soviétique. Piotr London s'enrôle dans les rangs de l'Armée rouge. Avec l’avancée des Allemands, les Soviétiques s’exilent en masse.
Rosalia et son fils Feliks quittent Kiev. Environ un mois plus tard, ils arrivent en train à Aktyubinsk, une ville du Kazakhstan. Les parents de Piotr, Anna-Zlata (née Nemirovsky) et Gregory-Grisha London, sont également du voyage.
Mais Gregory est victime d'une crise cardiaque et décède. Anna retrouve seule Rosalia et Feliks au Kazakhstan. Rosalia garde le contact avec les membres de sa famille restés à Kiev : elle leur envoie régulièrement des lettres. Pour raisons de santé, son jeune frère Emanuel ne peut s'enrôler dans l'armée, mais se porte volontaire dans les rangs de la Garde civile.
Le 8 août 1941, elle reçoit quelques lignes de sa mère Sonya :
"Merci pour tes lettres. Tu me manques et je te demande de m'écrire chaque semaine. Tout le monde ici t'embrasse."
Suivies le 9 septembre d’un nouveau mot :
"A ma chère Rosinchka et à mon petit-fils bien-aimé Feliks, nous sommes en vie. Nous sommes en bonne santé et tous restés dans les mêmes appartements."
Ce sera le dernier signe de vie de Sonya.
Le 19 septembre 1941, Kiev est occupée par les Allemands. Dès les premiers jours, les Juifs subissent discriminations physiques et psychologiques. Des sapeurs-miniers soviétiques posent des mines qui détruisent des bâtiments réquisitionnés par les autorités d'occupation allemandes ; en représailles, les Allemands blâment les Juifs. Le 28 septembre, des affiches sont placardées partout dans la ville qui intiment aux Juifs l’ordre de se présenter le lendemain à un point de rassemblement, munis de leurs papiers d’identité, de vêtements, d'argent et d’objets de valeur. Quiconque désobéira sera abattu.
Le lendemain, les Juifs sont conduits à Babi Yar. En deux jours, du 29 au 30 septembre (veille de Yom Kippour), 33 771 Juifs sont assassinés par les soldats du Eistzgruppe C et leurs collaborateurs ukrainiens. Parmi eux : les parents de Rosalia, Solomon et Sonya, et sa sœur Berta.
Certains réussissent à échapper au massacre, mais ceux découverts les mois suivants, seront transférés à Babi Yar et assassinés. Ce sera le cas du frère de Rosalia, Emmanuel, dénoncé par ses voisins à la Gestapo.
Fin 1941, Rosalia et Feliks s’installent à Kostanaï, au Kazakhstan, avec Anna, la mère de Piotr. Feliks fréquente l’école locale et Anna s'occupe de lui pendant les déplacements professionnels de Rosalia, engagée au ministère de l’Intérieur. En 1943, ils retournent en Ukraine et rejoignent Kharkov, dès la libération de la ville. En janvier 1944, Rosalia reçoit une carte de sa voisine de Kiev qui lui donne des nouvelles de ses proches :
Je suis désolée de vous faire parvenir des nouvelles douloureuses. La personne qui nettoie la cour de la maison où vivait votre mère m’a raconté ce qui était arrivé à votre famille. Votre mère et votre sœur ont été assassinées. Votre frère a réussi à se cacher, j’espère qu’il est toujours en vie... Votre maison a été pillée et un étranger y habite. C'est tout ce que je sais. Je suis désolée. Beaucoup d’autres personnes connaissent le même sort que le vôtre. Aussi difficile cela soit-il, je me devais de vous dire la vérité.
Rosalia demande alors à ses supérieurs d’être mutée à Kiev. Mais ce n’est qu’en 1944 qu’elle peut enfin y retourner avec Anna et Feliks. Piotr a survécu. Son frère Boris, employé de la police entré en résistance après l'occupation allemande de la ville, a été capturé par la Gestapo sur dénonciation, et assassiné.
Anna London meurt à Kiev en 1949.
En 1991, Feliks London immigre en Israël avec sa famille et sa mère Rosalia. En 2012, il soumet à Yad Vashem des Feuilles de témoignages à la mémoire de sa grand-mère Sonya, de sa tante Berta, de ses oncles Emanuel et Boris, de ses grands-parents Solomon et Gregory, et d'autres proches.